L’émergence du socialisme ? (I)

lundi 22 mai 2006
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La question du socialisme, de son émergence nous est posée à nous et pas seulement à l’Amérique latine, profitons du sommet de Vienne et des négociations entre l’Europe et l’Amérique latine, pour tenter d’éclairer les enjeux :

Beaucoup de nos opinions sur ce qui se passe à Cuba et en Amérique latine dépendent non de « l’objectivité de l’information », étant donné que l’on peut considérer celle-ci comme relevant de la propagande, mais des questions que nous nous posons à nous-mêmes et sur nous-mêmes.

Mais écoutons plutôt la manière dont ce sociologue cubain, que l’on peut qualifier de « critique », rend compte en 2001 d’une discussion avec des amis brésiliens. Les Brésiliens l’interrogent : « Si la gauche gagne les élections en 2002, et si le pays subit un blocus ? Comment survivrait le Brésil dans le monde tel qu’il est aujourd’hui ? »

Réponse du Cubain : « La question est révélatrice. Elle concerne un type très spécial d’alternative, la rupture avec l’ordre social existant. En premier lieu, elle s’adresse bien à qui de droit : vous autres, un pays si petit et dépourvu de ressources, si proche des Etats-Unis à tous les sens du terme, vous avez subi et continuez à subir le blocus pour avoir choisi cette alternative. Comment avez-vous pu survivre ? Comment avez-vous pu survivre durant tant d’années, emporter tant de réussites sociales, et infliger tant de défaites à votre ennemi, et encore aujourd’hui alors qu’il est plus puissant que jamais et plus déterminé à poursuivre et à amplifier son blocus ? »

Une telle question, pourtant, ajoute-t-il est mal formulée.. « Premièrement est-ce que gagner une élection est l’équivalent d’établir un gouvernement populaire et celui-ci est-il un pouvoir populaire ? Deuxièmement, le contenu réel et les problèmes de la gestion d’un nouveau gouvernement en 2002, ne sont pas réellement abordés, alors qu’il s’agit pourtant d’une question décisive. Troisièmement, le « Brésil peut subir un blocus », ce qui veut dire qu’il existe des forces très puissantes qui sans doute peuvent mener à bien cette entreprise, et par là vous les supposez invincibles. Enfin quatrièmement, tacitement Cuba et son régime socialiste devient un fait miraculeux, abstrait, a-historique, le « bien » mais il n’appartient pas à ce monde pervers et dur. »

La question ajoute-t-il révèle des insuffisances, mais elle est fondamentale. Il précise, c’est sur le terrain concret de ce que vit l’Amérique latine et la Caraïbe, la catastrophe des politiques néo-libérales, mais aussi la montée des protestations, que le débat a lieu. « L’alternative au capitalisme est bien le socialisme ».

A ce titre cela pose selon lui des questions théoriques et concrètes sur ce qu’est le capitalisme aujourd’hui, des moyens que nous avons pour l’affronter, sur le socialisme, est-ce une option réalisable, est-elle viable ? Peut-on vivre dans une région du monde sans en contrôler « le centre » ? « Il est indispensable d’aller au fond de ces questionnements pour une raison très pratique : le socialisme va émerger une autre fois comme proposition pour ce monde, et ceci l’oblige à avancer comme promesse et vouloir se présenter comme politique et comme prophétie. Mais il ne sera pas possible de le tenter sans solder ses propres comptes, sans radicaliser ses projets, sans rediscuter et avancer sur le plan théorique, sans partir de la situation réelle actuelle, sur ses aspects favorables et défavorables et ses tendances, avec l’objectif de changer les choses à la racine ». (1)

C’est assez bien vu si l’on considère que le livre comme le débat dont il fait état entre Cubain et Brésilien a lieu en 2001. On voit qu’il n’y a pas que Fidel Castro qui « voit loin » puisqu’il a réussi à faire partager sa conviction à ce sociologue « critique », à savoir que même si Cuba est seul à ce moment, la situation intolérable, l’amorce de résistance doit déboucher sur un changement radical, le socialisme. Mais non seulement ce socialisme peut périr, mais il doit se transformer pour affronter les tâches du moment.

Cela implique également une transformation radicale de la perspective dans laquelle que nous le voulions ou non, nous peuples européens, nous n’avons cessé de penser le socialisme, par rapport à une « foi » qui s’incarnait plus ou moins dans l’Union soviétique et contre laquelle, non seulement le capital a mobilisé toutes ses énergies pendant près d’un siècle mais face à laquelle les forces progressistes n’ont cessé durant le même temps de se diviser.

Un débat largement idéologique, même si personne n’a renoncé au combat sur son propre terrain et a obtenu des victoires non négligeables, mais où chacun finissait par se poser en s’opposant, tel les espagnols face à l’église catholique, les uns avec un cierge, les autres avec un gourdin. Il faut tenter de repenser l’alternative comme nous y invite ce sociologue cubain à partir de la crise multiforme dans laquelle nous nous débattons, celle de nos pays dans le contexte de la mondialisation impérialiste, partir des nécessités et en mettant à plat notre rôle réel.

Nous, peuples européens que l’on prétend intégrer à un espace continental, qui sommes-nous et vers quoi allons-nous ? Que peut-on espérer, que peut-on craindre de la poursuite des tendances ?

Pour comprendre en effet ce débat entre le sociologue cubain et les Brésiliens, il faut effectivement l’envisager dans son contexte, vingt ans de néo-libéralisme, la situation dans laquelle ont été réduits les peuples de l’Amérique latine et celles des Caraïbes. Il faut bien mesurer que pour une part nous avons une vision tronquée de ce qui se passe dans ce continent si nous limitons l’analyse à la manière dont les Etats-Unis veillent jalousement sur leur arrière-cour, un prolongement de la doctrine Monroe, c’est vrai et complètement dépassé.

La doctrine Monroe a été établie dans un souci de « protection » du continent face aux puissances colonisatrices européennes. Que cette protection soit celle d’un gangster sanglant est absolument réel, mais à partir des années 80, la donne change, et l’on peut au contraire constater une nouvelle vague néo-coloniale qui s’abat, venue de l’Europe, sur l’Amérique latine, comme d’ailleurs sur le reste du monde. L’Europe et les Etats-Unis vont chasser en meute, meute à laquelle il faut ajouter en Asie, le Japon.

I. L’Europe et l’Amérique latine

Dans les années 80, l’Europe fait le choix néo-libéral, y compris des gouvernements socialistes comme celui de François Mitterrand et Felipe Gonzales en Espagne. Ce choix, lié à l’intégration européenne se traduit au plan interne par de grandes restructurations qui touchent des pans entiers de l’industrie. Dans le même temps la France, comme l’Espagne reçoivent des fonds d’investissement destinés à favoriser la transition vers une économie de biens et de services. Mais ce remaniement interne qui est présenté comme une harmonisation de l’intégration s’accompagne d’autres mouvements.

Il y en a deux d’essentiels : se mettent en place des mécanismes de protection du Nord face aux produits du Sud et surtout se constituent des transnationales européennes, avec l’aide financière et légale des gouvernements européens, transnationales qui sont dirigés vers les pays du sud. Une nouvelle flotte de Christophe Collomb est lancée vers l’Amérique latine. Les transnationales d’Espagne et dans une moindre mesure la France qui reste puissance coloniale dans les Caraïbes se sont jetées sur le continent, avec un appétit et une brutalité qui ne le cèdent en rien à ceux des conquistadors de jadis.

Notons tout de suite que si cela s’est fait dans le cadre néo-libéral de la construction de l’Union Européenne, le rôle des gouvernements nationaux a été essentiel, ils ont littéralement porté à bout de bras, à coup d’investissements publics « leurs » transnationales, les restructurations internes, les budgets nationaux, tout a été mis à la disposition de la nouvelle flotte.

On mesure bien que la fable, qui voit dans le néo-libéralisme la fin de l’Etat, le retrait des investissements étatiques au profit du seul « marché », est complètement battue en brèche par la réalité. Non seulement l’opération a lieu à travers la mise en place d’un espace national super-étatique, l’Union Européenne, mais les transnationales ont été créées dans un cadre légal et budgétaire des Etats-nationaux qui en adoptant la politique néo-libérale détournaient l’économie de leur propre pays, entamaient les restructurations, privatisaient et mettaient en pièce, non pas l’Etat, mais l’Etat « providence », les protections sociales, une offensive généralisée contre le travail, au profit de ces transnationales qu’il fallait renforcer pour les rendre aptes à entrer dans la mondialisation concurrentielle . L’accumulation nécessaire passait par la mobilisation des ressources nationales et supranationales en leur faveur, mais aussi par un néo-colonialisme dont une nouvelle fois la vocation est le pillage.

Ces multinationales européennes n’ont pu agir en Amérique latine comme dans le reste des pays du Sud que parce qu’elles étaient soutenues par la Banque Mondiale et le Fond Monétaire International, dominées on le sait par les Etats-Unis. Il s’agit là des institutions clés, mais il faut voir que les Etats-Unis et leurs alliés- vassaux européens, n’ont pu agir qu’en prenant d’assaut la totalité des organisations internationales, l’ONU y compris. Comme d’ailleurs les Institutions nationales et supranationales ont été remodelées comme instruments du système.

Donc ces multinationales européennes étaient soutenues par la banque mondiale et le FMI, les prêts du FMI aux pays du sud étaient subordonnés au respect de la doctrine néo-libérale, privatisations à outrance, pression sur l’emploi et les salaires, destruction des protections sociales, auquel il faut ajouter le poids de la dette qui pèse sur ces pays et qui les condamne à emprunter non pour investir mais pour rembourser les intérêts, des intérêts, un gouffre mathématiquement impossible à combler. De telles politiques n’ont pas pu se mette en place sans la complicité active des gouvernements en place, une frange de la population en a même bénéficié au dépens de l’immense majorité de la population qui s’est enfoncée dans une pauvreté de plus en plus dramatique.

C’était aux conditions dictées par le FMI, que les multinationales investissaient, télécommunication, eau, énergies, dans les ressources vitales autant que dans les secteurs stratégiques. Ces investissements, loin de se traduire par de nouvelles richesses, par de l’emploi, exigeaient un taux de profit usuraire, rapatrié immédiatement, avec démantèlement des emplois, mise au chômage, les services escomptés n’étaient même pas rendus et entraînaient le vieillissement et l’obsolescence des installations autant que le sous équipement en matière d’infrastructure du pays. Les années 90 ont été les années fastes pour ces prédateurs. La situation s’est dégradée à un point tel que tandis que ces transnationales accumulaient des bénéfices de plus en plus monstrueux, pour les populations cela se traduisait y compris en terme de réduction de l’espérance de vie.

On ne comprend rien à la résistance qui commence à s’organiser dans les pays du sud et singulièrement en Amérique latine si on ne l’explique pas dans le contexte de ces vingt ans de mise en coupe réglée et des conséquences d’une application dogmatique des recettes néo-libérales. La crise argentine a été un choc parce qu’elle a fait plusieurs démonstrations. C’était un pays considéré comme le plus riche d’Amérique latine, il était considéré comme le meilleur élève du FMI, celui où les transnationales Etasuniennes mais aussi européennes trouvaient un terrain d’exercice privilégié.(2)

La crise qui l’a frappé et qui a atteint les autres pays du Mercosur, (l’union commerciale qui regroupait alors l’Argentine, le Brésil et l’Uruguay), a non seulement atteint les couches les plus pauvres de la population, mais à réduit en peu de temps à la misère les couches moyenne(3).

Cette expérience était celle d’un continent, et elle avait été précédée par le séisme qui avait déferlé sur le Mexique, sur toutes ces questions, nous renvoyons notre lecteur au panorama tracé dans notre livre "les Etats-Unis, DE MAL EMPIRE, ces leçons de résistance qui viennent du sud". Le titre ne doit pas en effet nous masquer que si les Etats-Unis sont la pièce centrale du dispositif, l’occident et ses transnationales chassent en meute, nous consacrons d’ailleurs le dernier chapitre de notre livre à l’Europe.

Pour que le panorama soit complet, il faudrait y ajouter un trait de la période considérée : non seulement l’écroulement de l’Union Soviétique n’a pas arrêté la course au surarmement mais elle l’a intensifiée. On peut même caractériser la période comme l’ont fait deux stratèges chinois, par une « guerre hors limites »(4). Disons tout de suite qu’à la chute de l’URSS, les Etats-Unis perdent un des fondements de leur hégémonie reconnue par l’Europe de l’ouest, la protection militaire qu’ils offrent à celle-ci contre l’URSS et ses alliés. Nous verrons que l’on peut considérer la guerre du Golfe de 91, et aussi l’intervention en Yougoslavie comme une mise au pas de l’Europe et du Japon.

Plus généralement en ce qui concerne l’Amérique latine, le rôle traditionnel d’intervention armée ou celui de la CIA, demeure en toile de fond pour dompter les velléités d’indépendance des gouvernements, et les mouvements sociaux. Ce rôle de protection est celui qui garantit aux transnationales leur pillage.

Face à cette situation, si l’on reprend le dialogue entre les Brésiliens et le sociologue cubain, la question est bien celle de la rupture avec l’ordre social existant, non par idéologie mais parce qu’il est impossible de continuer comme ça. Nos brésiliens s’adressent à qui de droit en interpellant un Cubain.
Car Cuba non seulement survit mais fait la preuve par son existence même, par ses réalisations impressionnantes, qu’il y a une alternative. Cette alternative est le socialisme. Sans ce fait incontournable, on ne comprend rien à la propagande qui est déversée non seulement contre Cuba, mais contre des pays comme la Bolivie, ou le Venezuela, essentiellement à travers leurs dirigeants.

En Amérique latine, tous les gouvernements de gauche élus dans la dernière période, apportent une contribution au processus de résistance, mais dans un contexte profondément différents de soumission ou non à l’ordre néo-libéral, qui est celui d’une résistance aux Etats-Unis. L’interprétation du rôle joué par l’Europe est différente suivant les politiques privilégiées par ces pays.

L’Amérique latine et, même Cuba, ont vu pendant longtemps dans l’Europe une alternative aux Etats-Unis. Non seulement l’Europe pourrait faire contre poids, mais elle présentait un modèle social d’intégration des peuples qui pourrait servir de modèle au sous-continent à la recherche d’unité. De même les transnationales européennes seraient meilleures que celles venues des Etats-Unis.

Disons tout de suite que cette vision perdure même si elle est battue en brèche par la réalité. Les Cubains, après une période d’illusion, en sont revenus. L’Europe a un double visage, d’un côté elle affirme la noblesse de ses intentions, l’aide au sous développement et le partenariat égalitaire, de l’autre sa pratique est bien différente. Les pays du Sud détenteurs des principales réserves énergétiques et minières de la planète, de l’essentiel des réserves d’eau et des ressources de la biodiversité sont tenus de mettre leurs richesses à la disposition des transnationales du Nord qui détiennent les technologies et le capital.

C’est pourquoi dans le sommet Amérique-latine Europe, tous les gouvernements européens, de droite ou socialistes, s’agitent en réclamant un cadre juridique face à la nationalisation des hydrocarbures décidée par la Bolivie. Ils veulent bien parler de coopération, de développement mais pas touche à leurs multinationales... C’est ce que leur a dit Cuba dès l’ouverture de la séance, en dénonçant l’hypocrisie européenne. Carlos Lage Dávila le vice président du Conseil cubain de l’Etat dès la première session de travail a résumé en cinq minutes l’essentiel des critiques. « La participation Latino américaine au commerce extérieur de l’Union Européenne ne cesse de décroître parce que l’Union européenne a une politique protectionniste avec des subventions élevées agricoles, on voit que la France est en première ligne des critiques.

De surcroît non seulement l’Europe n’a pas tenu ses promesses de 1970 d’augmenter l’aide officielle au développement à 0,7 % de son PIB, mais l’offre est chaque fois plus assortie de conditions dont le coût est élevé au profit des pays développés. Il faut à ce propos comparer les fonds consacrés à la lutte contre la drogue et ce qui est dévolu à l’éducation, la santé. Le service de la dette, les gaspillages militaires sont aussi comptabilisés comme aide au sous développement.

La réalité de l’Europe est son association stratégique avec les Etats-Unis, la puissance hégémonique qui fait régner un ordre injuste, les profits pour eux et les préjudices pour l’Amérique latine et les Caraïbes. L’UE a actuellement une dette externe qui lui a été deux fois déjà remboursée par les pays endettés. L’Europe exporte des produits de haute technologie et l’Amérique latine et les Caraïbes payent avec des matières premières. Les Européens bénéficient d’une immigration de professionnels et de techniciens formés à grands efforts par les nations sous développées.

Les Européens sont alliés des Etats-Unis et l’OTAN, alors que les Caraïbes et l’Amérique latine est l’un des objectifs que le président Bush menace d’attaquer par surprise."

Sur le fond non seulement l’Europe poursuit une politique qui entretient le sous développement et la mène dans une alliance y compris militaire avec les Etats-Unis, mais elle présente la spécificité de défendre des concepts comme souveraineté limitée, ingérence humanitaire, responsabilité de protection, qui sont contraires à la Charte des Nations Unies.

Elle amplifie les thèmes de Droits Humains, Démocratie et terrorisme avec lesquels sont justifiés les agressions, les sanctions et les blocus. Le représentant cubain a accusé l’U.E « d’ententes secrètes au Conseil des Droits Humains pour ne pas voter en faveur de Cuba et de détourner les regards quand il est question des crimes et tortures en Irak, Guantanamo et les autres prisons secrètes. Malgré tout Cuba a été élu à ce conseil par 135 votes, pratiquement tout le tiers monde a voté pour lui »

La plaidoirie de Carlos Lage Davilà contre le rôle réel de l’Europe face aux Etats-Unis en matière de droits humains et de lutte contre le terrorisme s’est assortie de l’exemple de deux cas concrets, celui qui concerne Posada Carriles, un des plus sanglants terroristes de l’hémisphère contre lequel jamais l’U.E n’a demandé de sanctions dans le même temps où elle n’a jamais énoncé une parole favorable en faveur des cinq jeunes cubains antiterroristes emprisonnés injustement aux Etats-Unis.

« Cuba défend une association stratégique, mais une véritable association dans laquelle ceci et d’autres questions pourront être discutés avec franchise ».

Cuba, le Venezuela, et aujourd’hui la Bolivie, se prononcent non seulement pour la fermeté face à l’impérialisme nord-américain, mais dénoncent les illusions sur l’Europe. La décision d’Evo Morales de nationaliser les hydrocarbures de son pays touche autant sinon plus les intérêts européens que nord-américains. En effet, Quelque 26 multinationales dont Total, Repsol (Madrid : REP.MC - actualité) -YPF (Espagne), Exxon (Etats-Unis), British Gas (GB),Petrobras (Brésil), sont visées par le décret de nationalisation qui leur impose de remettre la propriété des gisements et l’exploitation à la compagnie publique bolivienne YPFB.

Les groupes ont 180 jours pour revoir les conditions de commercialisation du gaz. La Bolivie détient après le Venezuela les deuxièmes réserves de gaz d’Amérique du Sud, estimées à environ 1.550 milliards de mètres cubes. La production de Total dans ce pays s’élève à 21.000 barils équivalant pétrole (bep) par jour, soit 1,2% de la production mondiale du groupe.

Comme nous le verrons dans un chapitre prochain consacré à ce sujet, aujourd’hui c’est une véritable stratégie qui se développe en Amérique latine, stratégie que nous avons esquissée dans notre livre DE MAL EMPIRE, stratégie dans laquelle s’imbrique des résistances diverses et où seuls une minorité de pays posent pour eux-mêmes et non dans leurs alliances la question de la rupture totale avec l’ordre social existant, la construction du socialisme.

C’est par rapport à ces enjeux, qu’il faut analyser la propagande déversée par les médias :

II. L’interprétation médiatique :

Prenons quelques exemples, à la fin du mois d’avril et début mai, sont intervenus une série d’événements, d’abord la nationalisation des hydocarbures par Evo Morales, le président de la Bolivie, la signature à Cuba le 28 avril par le même Evo Morales de l’ALBA, l’accord signé déjà par Hugo Chavez et Fidel Castro qui base les coopérations entre les trois peuples sur des coopérations solidaires. Enfin le 12 mai s’est ouvert le sommet de Vienne sur les coopérations entre l’Europe et l’Amérique latine, avec l’intervention préliminaire de Cuba. Auquel, il faut ajouter un autre événement que nous analysons plus avant, l’élection de Cuba à la nouvelle Commission des Droits de l’homme de l’ONU.

Prenons l’image savante, celle qui prétend apporter des analyses sur la géopolitique et dont le journal Le Monde reste la référence, comme en Espagne le journal El Païs. (5) Une information qui tranche sur le tout venant de la télévision par son « information » de qualité et donc sur son « objectivité » et qui s’adresse théoriquement à des couches diplômées exigeantes, mais qui en fait donne le « ton » à l’ensemble de la presse et aux grandes radios et à la télévision.

Le « spécialiste » de l’Amérique latine du Monde, le brésilien A.Paranagua écrit un article intitulé « L’Amérique latine en proie à la division », celui-ci publié en ligne le 11 mai et dans l’édition papier du 12 mai 2006,mérite d’être cité en entier. Notons qu’à la veille de l’élection triomphale d’Evo Morales en Bolivie, le même Paranagua, avait écrit un article venimeux sur les tendances dictatoriales du dit Evo Morales.

L’Amérique latine en proie à la division, par Paulo A. Paranagua

L’Amérique du Sud se présente en ordre dispersé au quatrième sommet Union européenne-Amérique latine et Caraïbes, qui s’ouvre vendredi 12 mai à Vienne. Les deux mécanismes d’intégration sud-américains sont en crise. Le retrait annoncé du Venezuela de la Communauté andine des nations (CAN) met la Colombie, le Pérou, l’Equateur et la Bolivie au pied du mur, sommés par le président vénézuélien, Hugo Chavez, de choisir entre des traités de libre-échange avec les Etats-Unis et la fidélité au bloc régional formé en 1969.

Le Mercosur, union douanière créée en 1991, se trouve menacé par les tensions économiques et commerciales entre l’Argentine et le Brésil, et par l’insatisfaction de l’Uruguay et du Paraguay, également attirés par les opportunités offertes par le marché américain. Le Venezuela, qui a théoriquement adhéré au Mercosur en décembre 2005, a joué, là encore, les trublions, puisque Caracas a soutenu la grogne des petits pays, tout en s’alignant sur les grands dans le conflit entre Argentins et Uruguayens à propos de la construction de deux usines de cellulose.

Sans être un litige suscité par le Mercosur, cette dispute entre les deux rives du rio de la Plata n’en montre pas moins l’impuissance de la diplomatie régionale et du tribunal installé à Asuncion, destiné à la solution des controverses. "Ce sont des signaux qui ne sont pas faciles à interpréter en Europe", avouait le ministre allemand des affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, en visite à Brasilia, le vendredi 5 mai.

Pourtant, en décembre 2004, à Cuzco (Pérou), une Communauté sud-américaine des nations avait été lancée, devant englober la CAN et le Mercosur. L’Amérique du Sud mettait l’accent sur l’intégration physique. Trois institutions de crédit - la Corporation andine de développement (CAF), la Banque interaméricaine de développement (BID) et la Banque brésilienne du développement (BNDES) -, semblaient en mesure de soutenir les projets inventoriés par l’Initiative pour l’intégration de l’infrastructure régionale sud-américaine (IIRSA).

Tout cet échafaudage, fruit de tractations laborieuses, est désormais déstabilisé par la polarisation idéologique entre le centre gauche sud-américain et le populisme incarné par Hugo Chavez. Le Vénézuélien brigue l’héritage de Fidel Castro, qui aura 80 ans en août, et ne cesse de pourfendre "l’impérialisme américain". Cela n’empêche pas le Venezuela d’intensifier les échanges avec les Etats-Unis : les exportations sont passées de 15,2 milliards de dollars en 2001 à 34 milliards en 2005 et le prix du baril de pétrole n’en est pas le seul responsable. Les importations ont augmenté de 5,6 milliards à 6,4 milliards de dollars. M. Chavez n’a cessé d’accroître la part des compagnies étrangères dans l’exploitation pétrolière, tout en taxant davantage leurs bénéfices.

Le brut vénézuélien n’a pas besoin de libre-échange : faut-il pour autant condamner les industriels et les producteurs qui ne peuvent pas se passer d’accès aux marchés des pays développés ? La signature d’un traité de libre-échange avec les Etats-Unis n’a pas empêché le Mexique et le Chili de s’opposer à la guerre en Irak au Conseil de sécurité des Nations unies, ni le président mexicain, Vicente Fox, de défendre les droits des immigrés latinos. Pas plus que l’élection à la tête de l’Organisation des Etats américains (OEA) d’un socialiste chilien, José Miguel Insulza, préféré, pour la première fois dans l’histoire, au candidat de Washington.

"Nous ne voulons pas un climat de guerre froide en Amérique latine", souligne Marco Aurelio Garcia, conseiller diplomatique du président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva. "La guerre froide est finie. La diplomatie du Brésil à l’égard de l’Amérique du Sud et du reste du monde n’est pas basée sur le préfixe "anti". Nous ne sommes "anti-personne". Nous sommes "pour’’", insiste M. Garcia, un des premiers dirigeants de la nouvelle gauche sud-américaine à théoriser les coalitions de centre gauche comme une leçon de la tragique expérience de Salvador Allende au Chili, qu’il a connue aux premières loges. "Je ne suis pas d’accord avec beaucoup d’aspects de la rhétorique de Chavez, ajoute-t-il dans un entretien à la Folha de Sao Paulo. Certaines interventions de Chavez ne me paraissent pas les plus appropriées."

"COMME UNE AUTO TAMPONNEUSE"

Parmi les interventions déplacées figurent les grossièretés assenées par M. Chavez à ses homologues et à d’autres personnalités, et son ingérence dans la campagne électorale au Pérou ou au Nicaragua. "Chavez agit comme une auto tamponneuse", pointe le social-démocrate vénézuélien Teodoro Petkoff, son challenger à l’élection présidentielle de décembre.

La mise en scène guerrière organisée pour annoncer la nationalisation des hydrocarbures en Bolivie, décidée par le président Evo Morales le 1er mai, a ravivé les tensions. "Malgré les intérêts divergents qui se sont exprimés à cette occasion, il y a une réelle interdépendance, car les Boliviens doivent vendre leur gaz et les acheteurs naturels sont leurs voisins, précise Félix Peña, à l’université Tres de Febrero, à Buenos Aires. Faire de l’énergie un vecteur d’intégration et non de divergence entre les pays, voilà le défi." Ce spécialiste croit aux synergies entre le Brésil, l’Argentine et le Chili.

L’intégration est un défi à la fois économique et politique, social et culturel. Cependant, si les affinités idéologiques prônées par M. Chavez avaient vraiment été une condition à la convergence entre les pays, l’Europe serait toujours à la case départ.

En Amérique latine, la conjonction du nationalisme et du corporatisme refuse la moindre cession de souveraineté. Ainsi le Mercosur reste un nain institutionnel, avec un minuscule secrétariat technique dont les rapports sont confidentiels. Et les sommets présidentiels ne suffisent pas à régler tous les problèmes, surtout lorsque l’intendance ne suit pas.

Dans ces conditions, la fuite en avant et les effets d’annonce deviennent une tentation, comme vient de le prouver l’entrée du Venezuela au Mercosur, avant même les négociations sur les conditions d’adhésion. Le Mercosur n’est pas un forum politique - comme le Groupe de Rio -, mais une union douanière encore imparfaite, régie par des traités et des accords dans divers domaines, que tout nouveau pays membre doit souscrire et transcrire dans sa législation.

Quelles que soient ses imperfections, l’intégration latino-américaine n’avancera pas en faisant table rase de la CAN et du Mercosur, sans oublier l’Amérique centrale, dont les avancées à côté du Mexique restent méconnues, mais n’en sont pas moins réelles. (6)

Tout mériterait d’être repris et commenté dans cet article, par exemple le « côté guerrier » d’Evo Morales quand il fait appel à l’armée pour occuper les entreprises qu’il a décidé de nationaliser. Cette épithète fait bon marché de ce qu’est l’armée bolivienne, la manière dont elle pratique systématiquement les coups d’Etat et l’intelligence de Morales de l’associer à la reprise en main des ressources nationales.

Comme d’ailleurs le fait qu’il y a déjà eu des attentats à La Paz à la fin mars 2006, avec deux morts civils, l’arrestation d’un nord-américain, ce que tout le sous continent sud américain a interprété comme le début d’un processus de déstabilisation à la veille des élections législatives. Mais passons sur les termes associés aux dirigeants de la Bolivie et du Venezuela, ou encore sur certaines affirmations comme « les avancées à côté du Mexique » (qui de l’Amérique centrale ?), alors même que l’ALENA, le plan Pueblo Panama sont considérés comme de véritables catastrophes sur le plan économique, social et même écologique, restons sur le fond, la manière dont il accentue les oppositions entre pays capables de s’entendre avec les Occidentaux et « les trublions ». Arriver dans un tel contexte à transformer la position anti-impérialiste de Fidel Castro en pure manie d’un dictateur, et celle d’Hugo Chavez, qui prétendrait à « son héritage » est une matière d’exploit.

Comme est occultée la réalité de la Bolivie, pourtant les chiffres sont là : suivant l’indice de développement du Programme des Nations Unis pour le développement, la Bolivie est à la 113e place, l’Espagne à la 21e en 2005. L’espérance de vie est d’un peu plus de 54 ans. L’analphabétisme des adultes touche 13,5% de la population d’Amérique latine. Le nombre de médecins par 100.000 habitants est de 73 en Bolivie, 320 en Espagne, 549 aux Etats-Unis et 591 à Cuba. La dénutrition affecte 21 % de la population bolivienne. Le taux de mortalité infantile en Bolivie est de 53 enfants morts sur mille naissance en l’année 2003, 4 pour l’Espagne, 6 à Cuba et 7 aux Etats-Unis.

Le rapport "Panorama social de 2005 de la Commission Economique pour l’Amérique latine (CEPAL)" pour 2002 dit que 30% de la population bolivienne ne bénéficie par d’une source d’eau potable.( merci à la compagnie de Suez qui aujourd’hui encore refuse d’alimenter les quartiers pauvres de La Paz). Plus de 40% n’a pas d’évacuation d’eaux usées et le sol de la maison est en terre battue. Et entre 30% et 40% n’a ni service sanitaire, ni électricité.

Selon les chiffres de la banque Centrale de Bolivie, la dette externe pour l’année 2005 était de 4.961,6 millions de dollars. 300 millions de plus qu’en 1996. Alors que le PIB est de 8.758 dollars selon l’institut National de la statistique. En 2004, selon les chiffres officiels la dette représente plus de 57 % du PIB.

Ces chiffres sont à comparer à ceux de la multinationale REPSOL(30% des ressources boliviennes) qui en 2005 a un bénéfice net de 3.120 millions d’euros et grâce à la croissance du prix du pétrole, l’accroissement des profits est de 29, 4% par rapport à 2004. Depuis les privatisations de 96, les compagnies pétrolières payent à la Bolivie des royalties de l’ordre de 18% , le taux le plus bas de la région. De fait à elles seules les réserves de gaz existantes permettraient de payer 13 fois la dette externe et 130 fois les investissements publics annuels. Pour chaque dollar investi en Bolivie les transnationales en retirent 10. Avec les privatisations de surcroît la population a été obligée de payer à des tarifs prohibitifs pour les pauvres.

Et nous ne citons que quelques faits, il en existe des pages et des pages toutes plus édifiantes les unes que les autres sur la faiblesse des emplois créés, sur les salaires, etc...

Paranagua et avec lui la majeure partie de la presse a choisi son camp, celui des transnationales.

L’article de Paranagua dans le Monde est à rapprocher de la brutale de la déclaration de Thierry Desmarest le PDG de Total rapportée par le quotidien les Echos le 15 mai 2006. « Le groupe pétrolier français Total, présent en Bolivie via une participation dans deux gisements de gaz, ne restera pas dans le pays en proie à une nationalisation des hydrocarbures "à n’importe quelles conditions", affirme, le PDG du groupe Thierry Desmarest.

"En Bolivie, notre position est simple : Total est venu dans ce pays, y a créé de la richesse en faisant des découvertes de gaz relativement importantes et considère qu’il peut encore apporter beaucoup en mettant ces gisements en production. Il ne le fera pas à n’importe
quelles conditions", déclare M. Desmarest. "Nous attendons également que les choses s’éclaircissent au Venezuela où les règles du jeu ont été changées à plusieurs reprises et de
manière assez brutale. Espérons que la raison prévaudra dans un cas comme dans l’autre", poursuit le PDG du groupe. »
(7)

Le tableau qui est brossé par le journaliste du Monde a une finalité : derrière une sorte de parenté entre l’Europe et les dirigeants modérés d’Amérique latine, l’appui est total à la stratégie de Bush, isoler les « meneurs », et puisque faire signer l’ALCA (la Zone de libre échange de l’Amérique) s’avère impossible, multiplier les traités bi-latéraux entre les Etats-Unis et les pays d’Amérique latine. Elle repose à la fois sur l’opposition entre dirigeants modérés et « meneurs » en Amérique latine et sur une interprétation complètement fallacieuse du « modèle » européen, de ses transnationales, qui ferait de l’Union Européenne un « refuge » face à l’agressivité nord-américaine et l’exemple d’intégration sur un modèle social que pourrait suivre l’Amérique latine si quelques « trublions » ne tentaient pas d’empêcher cet avenir radieux en « divisant » l’Amérique latine. (8)

Pourtant les faits sont là des faits posés par Cuba, comme la médiocrité de l’aide réelle au sous développement, la dette, le protectionnisme européen, les conditions de limite de souveraineté, etc... Faits difficilement niables comme d’ailleurs le soutien militaire à la politique d’agression des Etats-Unis. (9)

Notons également le rôle que l’on prétend faire jouer au Brésil. Ce n’est pas seulement parce que l’auteur de l’article est brésilien, mais parce qu’il choisit de relier la stratégie des transnationales, celle de Bush et, à des degrés divers des gouvernements européens. Il s’agit non seulement d’isoler « les meneurs » ceux qui lancent une politique d’affrontement contre le FMI, les transnationales et qui donc tendent vers le socialisme, mais de le faire à partir de l’inégalité de la situation du Tiers-Monde que nous analysons ultérieurement dans les rapports sud-sud. Il existe dans le sud des situations tout à fait contrastées, et un certain nombre de pays du sud peuvent être tentés dans les rapports sud-sud de jouer le développement inégal, d’exercer à partir de leur développement relatif la même domination que celle des pays du nord. Le Brésil est invité à jouer cette stratégie-là, à partir de la nationalisation des hydrocarbures par la Bolivie.

Mais revenons en à l’Europe. Il est clair que le vote NON à la Constitution européenne de mai 2005, des Français suivis par les Hollandais, a dit clairement ce que les peuples européens qui étaient consultés directement pensaient du caractère « social » de l’intégration européenne et ce, malgré le fait que les principales forces politiques de ces pays les invitaient à voter OUI et que les « médias » dans leur quasi unanimité faisaient pression en faveur de cette option. Ce vote, comme d’ailleurs la grande mobilisation victorieuse contre le CPE témoigne du fait de la montée des résistances contre l’ordre néo-libéral.

Il faudrait également analyser les grèves, parfois en rupture, avec les directions syndicales qui se multiplient. Mais ce refus des conséquences des politiques néo-libérales sur leur propre vie, ne s’accompagne pas d’une compréhension de la nature profonde des mécanismes à l’Å“uvre en Europe, et dans le reste du monde. Elle peut au contraire, et tout est fait en ce sens par le politico-médiatique, jouer sur l’effet d’isolement, de perte des repères, non seulement entretenir des illusions, voir provoquer de l’hostilité, sur le système planétaire.

On comprend bien la ligne de Paranagua et de son journal, elle colle au plus près des intérêts des multinationales, mais on a plus de mal à percevoir la ligne éditoriale du journal en matière politique. Comme une grande partie de la presse, sa dérive vers la droite est réelle au point aujourd’hui de soutenir plus ou moins clairement Sarkozy, mais en conservant une caution de gauche, son objectivité consistant à permettre au lecteur de naviguer entre ces deux rives sans nausée. Ainsi cette presse contribue à la construction d’un champ politique où gauche et droite se confondent, tout ce qui dépasse étant exclu de la « visibilité médiatique » et donc jeté dans « la spirale de l’oubli ». Rares sont les politiques encore plus les intellectuels, les créateurs, qui osent affronter cette mise au placard.

III. Le champ politique européen

Ce champ politique est celui d’une zone d’entente sur un certain nombre de fondamentaux qui sont ceux de la politique européenne telle que nous venons de l’analyser : application des recettes néo-libérales considérées comme incontournables, relevant de la nécessité d’un monde concurrentiel tant au plan intérieur qu’extérieur. Défense de l’alliance avec les Etats-Unis et de sa politique d’agression à partir des intérêts des transnationales. Mais comme dans cette alliance entre l’Europe et les Etats-Unis, il est dévolu à l’Europe un rôle particulier, celui de justifier l’agression au nom des droits de l’homme, du devoir d’ingérence humanitaire. La presse dans le sillage du Monde, met en avant ces questions, mieux se donne un visage de gauche, pour les porter au pinacle. C’est la gauche, ses hommes politiques, ses intellectuels qui sont chargé de ce volet.

Cette création de l’espace public par les médias, dessine sous nos yeux le visage politique de Europe, face à la montée des mécontentements : il est possible que ce qui se passe en Allemagne s’étende à d’autres pays européens, des coalitions larges regroupant la droite et la gauche pour faire avancer l’intégration européenne sous sa forme concurrentielle, néo-libérale de plus en plus vassalisée aux Etats-Unis, et dans lesquelles la peur des « extrêmes » est utilisé à la fois comme un repoussoir et un éclaireur .(10)

Il ne s’agit pas seulement de préférences journalistique mais bien d’une stratégie politique d’appui à la politique des transnationales. Face à la montée des mécontentements, on peut considérer que le temps de leur toute puissance, celle de la contre-révolution victorieuse et sans rival, comme d’ailleurs celui de l’Empire étasunien, sont passés. Il n’y a pas qu’en Amérique latine, au cÅ“ur même des pays occidentaux, la politique néo-libérale est contestée. Les coalitions larges, sont des solutions de fait ou amorcées en cas d’impossibilité de gouverner. Ce qui se passe en Italie est également illustratif. En France, l’appel à voter OUI à la constitution européenne émanant à la fois du PS et de la droite, sans parler des Verts, témoigne de cette logique, comme d’ailleurs le refus de s’engager sous des prétextes divers des directions syndicales.

Cette logique ne date pas de hier et nous l’avons vue à l’Å“uvre dans les années 80, quand toujours sous couvert de l’intégration européenne des gouvernements socialistes de l’époque adoptent des politiques néo-libérales tant sur le plan national qu’international.

Aujourd’hui l’hypothèse des grandes coalitions est un seuil supplémentaire franchi. Dans le cadre de la préparation de l’union sacrée de la droite et de la gauche, nous avons aujourd’hui un champ politique marqué par une alternance sans véritable alternative où droite et gauche pratiquent la même politique. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Disons que la chute de l’ex-URSS et celles des pays socialistes européens va entraîner un certain nombre de conséquences, d’abord une vague de discrédit sur le socialisme lui-même, qui non seulement s’est effondré sur lui-même tel un château de carte, mais sans qu’il y ait de réaction des peuples concernés pour le défendre. Cette atonie est mondiale, les statistiques du BIT, montrent que durant les décades 80 et 90, les mouvements revendicatifs ont quasiment disparu, à l’exception notable de la Corée du Sud, de la France en 95, et on peut également noter la protestation zapatiste du Chiapas contre l’ALENA et plus généralement la crise sociale et économique qui secoue le Mexique.

L’adoption des politiques néo-libérales, l’ordre mondial qui se met en place, ne rencontre pas de résistances. Mieux les forces organisées susceptibles de lutter connaissent une véritable débâcle. Les partis communistes, en particulier en Europe, ont une histoire, celle-ci les avait conduit sous des formes diverses à adopter une ligne de défense du bastion qu’était l’URSS, ce que nous tenterons d’analyser.

L’affrontement avec l’URSS a eu des conséquences multiples, l’anticommunisme a régné en maître en Europe. Tout cela mérite une analyse qui ne soit pas seulement celle de la vague contre-révolutionnaire qui a déferlé sur l’Europe et nous sommes d’accord avec la position du sociologue cubain par laquelle nous avons commencé notre propos : « le socialisme doit solder ses comptes »...

Faute d’une telle analyse les partis communistes ont adopté plus ou moins celle de la contre-révolution et ont cherché leur survie dans une « abjuration » tout azimuts. Si l’on ajoute à cela, le fait qu’avec l’effondrement du socialisme, les « solutions social-démocrates » n’avaient plus de raison d’être, le compromis entre le capital et le travail sur lesquels elles reposaient, avait perdu son utilité politique.

La crise du capital qui avait débuté dans les années 70, témoignait de l’impossibilité de recourir efficacement aux solutions keynesiennes en faveur d’intervention de l’Etat relançant le plein emploi et la consommation. L’extension et l’ampleur de la vague néo-libérale, la révolution « conservatrice » ou plus simplement contre-révolutionnaire ne s’explique pas seulement par la débâcle communiste, mais c’est toute la gauche qui perd ses repères. Même si bénéficiant à la fois du discrédit du socialisme et de l’existence d’institutions comme le vote majoritaire à deux tours, le PS acquiert une position hégémonique électorale, elle ne repose sur aucune capacité hégémonique au sens réel, ni sur les perspectives politiques, ni sur la société civile, hors politico-médiatique.

Mieux en général la social démocratie, par exemple en Belgique, paraît aussi empressée que les communistes dans la sape de sa base populaire, y compris dans toute les formes de consommation coopérative.

Cette gauche en déshérence, le mouvement syndical lui-même attaqué dans ses bastions par les vagues de privatisation, voit sa survie dans une politique de « conciliation » alors même qu’il n’y a plus rien à négocier puisque le capitalisme triomphant accélère son avancée irrésistible. Inutile de dire à quel point l’idée même du socialisme paraît hors de portée.

Dans un tel contexte le choix de Cuba paraît non seulement comme le dit Aznar une anomalie mais a-historique. L’interprétation qui sera faite de cette résistance est doublement absurde : premièrement Cuba serait un petit morceau de l’URSS qui subsisterait sous les tropiques, ne tient pas compte du fait pourtant essentiel que si la puissante URSS et les pays socialistes de l’Europe se sont effondrés, Cuba au contraire résiste et ce dans les pires difficultés.

Attribuer à Fidel Castro, à son « génie » ou à son « pouvoir totalitaire », cette résistance n’est guère plus logique. Là encore, l’effondrement de l’URSS et des pays socialistes s’inscrit a contrario d’une telle explication dont pourtant se contenteront non seulement la droite mais l’ensemble des forces de gauche, les communistes eux-mêmes. La manière dont ils se prêteront à une telle interprétation de Cuba, témoigne non seulement de la confusion idéologique qui est là leur, mais de la manière dont ils ont choisi de survivre. Il s’agit de conserver des positions politiques, élus, moyens financiers, et une « visibilité » dans le politico-médiatique à défaut de celle que représentait jadis la mobilisation des militants (11), et cela passe par une soumission de fait à la force hégémonique dominante de la gauche, le PS, comme d’ailleurs le fait de se démarquer systématiquement de « l’échec socialiste ».(12)

Ce à quoi, il faut ajouter dans le cadre d’une conformité systématique à « la tendance », le refus de mener le combat sur les questions internationales, considérées comme trop loin des « préoccupations des gens ».

Il s’agit là du tableau le plus sombre que l’on puisse brosser de l’état de la gauche en France, il est bien réel et permet de comprendre non seulement l’attitude de la gauche à l’égard de Cuba et celle des communistes français, mais le report des mêmes enjeux sur l’ensemble de la situation en Amérique latine. Comme nous l’avons vu la position du journaliste du Monde n’a rien d’étonnant, mais que penser d’un article en ligne le 6 mai 2006, de l’Humanité qui témoigne à la fois d’une ignorance du dossier et sur le fond d’une position assez semblable sur la signature de l’Alba par Evo Morales le 28 avril.

L’article intitulé « la sainte trinité » fourmillait d’erreurs factuelles (12), mais, la journaliste feignant « l’objectivité », la distance avec l’événement, laissait planer le doute sur la manière dont l’Alba risquait de détruire le Mercosur, puisque disait-elle l’Argentine et le Brésil ne voudraient pas entendre parler de l’Alba et donc Chavez serait en difficulté au sein du Mercosur. Non seulement Chavez avait signé l’Alba, il y a un an sans que cela pose problème au Mercosur, mais les dits gouvernements venaient d’appuyer la nationalisation des hydrocarbures décidés par Evo Morales.

Cet article ne passera pas dans l’édition papier de l’Humanité, et on peut même considérer qu’après une longue période d’errements non seulement sur Cuba, mais sur toutes les questions internationales et en particulier sur l’Amérique latine, ce journal s’il continue à faire le black out sur Cuba, adopte plutôt des positions favorables à Chavez et à Evo Morales.

Car en rester à ce sombre tableau ne permettrait pas de mesurer ni ce qui bouge, ni les points d’appui, dans la gauche et dans le mouvement syndical sous la pression du mécontentement. Est-ce un hasard si Evo Morales le 13 mai se rend à Paris, au Conseil Général du Val de Marne (dont le Président est membre du PCF), accompagné de Danielle Mitterrand pour solliciter un appui sur la question de l’appropriation de l’eau par le peuple bolivien ? S’il obtient non seulement un soutien moral mais financier de la majorité socialo-communiste ?...

Certes l’évolution des directions politiques n’est pas à la hauteur du mécontentement populaire, puisque non seulement deux grandes formes de protestation populaire qu’ont été à peu d’intervalle le NON à la Constitution européenne et les grandes manifestations sur le CPE débouchant sur un recul gouvernemental, paraissent n’avoir comme perspective que des jeux politiciens où chacun paraît avoir à cÅ“ur de détruire non l’adversaire mais le concurrent potentiel, et ce sur des questions d’image, des « scandales », mais l’absence d’alternative est patente.

Cela est le principal handicap auxquels se heurtent les alliances en vue d’un changement, même le rassemblement au premier tour d’une extrême-gauche anti-libérale, paraît limitée par le contexte du débat politique. La dite extrême-gauche a un programme dont le fond n’a rien de socialiste, il n’est même pas question de nationalisation,(14) ni de remise en cause de l’Union Européenne, et de ce fait l’opération paraît entièrement destinée à éviter l’émiettement de 2002 et le report au deuxième tour sur le candidat socialiste, qui bien sûr pratiquera l’alignement sur la droite, tant au niveau du néo-libéralisme que sur la question européenne.

L’idée d’un regroupement anti-libéral n’est pas à négliger mais nous renvoie aux questions posées à ses amis brésiliens par le sociologue cubain : « Est-ce que cette élection va déboucher sur un gouvernement populaire ? » Il est clair que non. Il s’agit de battre la droite et par là d’élire un candidat socialiste. Celui-ci sera-t-il en quoi que ce soit contraint par la force du Front anti-libéral qui aura permis de le faire élire ? Quelle base populaire peut permettre une telle stratégie ? Les comités du NON, comme cela était prévisible, ne sont en rien susceptibles d’organiser une telle mobilisation.

Rien n’est joué mais le problème essentiel est bien celui des contenus, des solutions à apporter, c’est pourquoi si l’on veut éviter un désespoir qui ne peut déboucher que sur la fascisation, il faut aborder de fond toutes les questions et en particulier à partir de la crise dans sa dimension nationale et internationale oser poser la question de l’alternative socialiste. Non pas la proclamer comme une finalité en soi, mais oser avoir un programme qui aille vers une rupture avec l’ordre existant. Autrement on ne voit pas très bien l’utilité d’un regroupement anti-libéral sinon pour ratisser large en vue d’un deuxième tour. C’est pourquoi tout en considérant avec une certaine sympathie la proposition, je me refuse à signer les appels pathétiques mais encore creux qui parviennent de partout, y compris celui lancé dans l’Humanité.

Autre question sur laquelle il faut examiner le consensus droite-gauche et l’intégration européenne, celle des droits de l’Homme. Peut-on analyser la manière dont la France et l’Europe prétendent faire pression à propos des Droits de l’homme à Cuba en ignorant totalement les enjeux réels du processus tel qu’il est entamé en Amérique latine ? (15) Car si les dangers de fascisation du système sont bien réels, la lutte pour la démocratie est une exigence incontournable, mais cela passe aussi par une révision de fond de la manière dont on vide ce concept de tout sens, en le transformant en simple rituel, voire en procédés destinés à empêcher l’intervention des peuples sur leurs problèmes, à leur trouver des solutions.

IV. Les Droits de l’homme et l’ONU

Un dernier exemple, devrait nous permettre de comprendre deux faits essentiels, d’un point de vue stratégique :

- Nous avons noté comment depuis les années quatre-vingt les institutions juridiques, les règles qui régissent les organisations internationales, ont été modelées pour favoriser la vague néo-libérale, rien n’y a échappé, même pas l’ONU.

- Cependant et contradictoirement, et là encore l’exemple de Cuba devrait nous aider à percevoir la réalité de la période dans laquelle nous sommes, même ces institutions sont peu à peu apparues aux puissances occidentales, et surtout aux Etats-Unis comme d’insupportables entraves car au fur et à mesure où montaient les résistances ces institutions devenaient le siège de batailles. Nous sommes au niveau de la légalité internationale dans une situation comparable à celle qu’analysait Engels, la démocratie fut-elle bourgeoise est meilleure que la tyrannie de l’arbitraire pour les luttes.

Nul n’a mieux intériorisé ce principe que Cuba qui ne renonce jamais à oeuvrer dans les institutions internationales pour les démocratiser, en particulier pour y faire entendre la voix des peuples du sud, et à dénoncer dans ces tribunes internationales les violations de droit, même si, comme le vote tous les ans de la quasi-totalité des gouvernements du monde contre le blocus, n’est jamais suivi d’effets concrets.

C’est dans ce cadre général qu’il faut analyser ce qui vient de se passer à l’ONU, concernant les Droits de l’homme et "le traitement médiatique" du sujet en France.

Le 9 mai 2006, jour même où l’Assemblée Générale de l’ONU inflige un camouflet aux Etats-Unis en élisant Cuba à la Commission des droits de l’homme, alors même que les Etats-Unis n’osent même pas se présenter pour un siège à cette commission, en France la télévision, le média dominant, relaie l’information bidon de la fortune imaginaire de Castro et ne dit pas le moindre mot sur le vote de l’ONU. Nous avons là un raccourci de la manipulation ordinaire : censurer les fait significatifs, ceux qui permettent de comprendre l’état réel du monde et sous couvert d’une information devenu « divertissement », donner crédit aux calomnies sur un dirigeant, contribuer à construire une image mensongère.

Si l’on en croît cette « image », qui a fini par devenir dominante en Europe, en France en particulier, Fidel Castro serait un « dictateur » qui imposerait à son malheureux peuple un choix socialiste qui aurait fait faillite partout ailleurs. Voici la formule lapidaire qui le désigne sur le site de Reporters Sans Frontières : « Le président cubain est le doyen des dictateurs de la planète. Le secret de sa longévité ? Interdire la critique. » A une majorité des deux tiers, malgré la pression considérable des Etats-Unis et de leurs alliés européens, tous les pays de la planète s’inscrivent en faux contre l’idée que Cuba violerait les droits de l’homme, considèrent au contraire que Cuba est crédible pour défendre les Droits de l’homme, pour en juger, alors que les Etats-Unis sont disqualifiés.

Les Français n’en sauront rien, en revanche on diffusera dans la rubrique « faits divers » de la télévision publique les élucubrations du magazine Forbes, qui attribue à Fidel Castro une des premières fortunes du monde. Il a suffi de transformer le budget de Cuba et la propriété des bâtiments officiels cubains, comme le Palais des Conventions en propriété personnelle !!! Et pour faire bonne mesure, le sujet est illustré par la chute de Fidel Castro (16)....

Là nous avons le niveau « populiste » au sens véritable du terme - alors que dans le cas de Chavez et d’Evo Morales il faudrait parler de gouvernements populaires- de l’information médiatique. Notons qu’elle tire dans le même sens que l’information « savante », pratique la même censure.

Quel est le sens de ce vote à l’Assemblée Générale de l’ONU ? L’ancienne commission des droits de l’homme s’est littéralement effondrée sous le discrédit qui la frappait. Elle était devenue une véritable palinodie. Non seulement elle refusait d’aborder la torture à Guantanamo, était devenue un simple tribunal pour juger les pays du sud, mais elle refusait de considérer ces droits de l’homme essentiels que sont les droits de vivre, de se nourrir, de se soigner, de s’éduquer. Toutes questions cruciales pour ces mêmes pays.

Les Etats-Unis ont prétendu gouverner la réforme d’une nouvelle commission, quitte quand leur projet a été accepté à menacer de ne pas y participer s’ils ne gouvernaient pas l’élection des membres, mais leur chantage et celui des pays occidentaux ont été battus à plate couture. En France nous ne saurons rien de ces épisodes, nous nous contenterons de phrases lapidaires et définitives qui attribuent le discrédit de l’ancienne commission à la présence en son sein de pays comme Cuba ou la Chine.

Il est vrai que durant la même période,en France, la même information tourne tout entière autour du scandale de l’affaire Clearstream, cette question occulte complètement dans les médias le vote de la loi sur l’immigration présentée par Sarkozy, on peut même considérer que tant la victimisation du dit Sarkozy, que ce que les Français ont perçu de sa loi, ne peuvent que renforcer sa popularité. Il s’agit en effet pour eux de "contrôler" l’immigration.

Le vote de l’Assemblée de l’ONU, comme celui de l’Assemblée Nationale française portent en fait sur la même question. L’assemblé Nationale française de fait, sous couvert de contrôler l’immigration, a entériné une aggravation du sous développement. Il est clair que si les pays développés continuent à « écrémer » l’immigration, à priver les pays du sud des cadres qu’ils forment avec beaucoup de difficulté, cela ne pourra qu’accélérer lesous développement de ces pays et donc accroître la pression de l’immigration.

Quand les pays occidentaux derrière les Etats-Unis, prétendent contrôler et s’approprier les ressources de la planète, par menace, par action des transnationales, et des organismes internationaux comme le FMI, quand l’impérialisme rime plus que jamais avec militarisme, guerre d’invasion, quelle politique d’immigration peut-elle être contrôlée ? Même des lois répressives, des murs comme celui érigé à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, peuvent-ils prétendre endiguer le flot de ceux qui cherchent la survie ? Ces politiques sont alors non seulement inhumaines mais parfaitement inefficaces. Quand l’alternative devient pour des millions d’hommes la mort assurée dans leur pays où une immigration dans laquelle il reste une loterie, soit ils meurent, soit ils s’en sortent, le choix est évident.

Cuba constitue un triple défi à cet ordre du monde :

- Malgré le blocus, malgré le sous-développement, ce pays accueille des milliers de jeunes gens qu’elle forme à des professions qualifiées, en particulier dans le domaine de la santé, et ceux-ci doivent rentrer dans leur pays pour tenter d’y apporter aide et assistance. Cela concerne les pays du sud, mais les programmes s’étendent aux Etats-Unis eux-mêmes, puisque des jeunes gens des ghettos de ce pays sont aussi formés gratuitement à la seule condition d’exercer dans leur communauté d’origine. Ces programmes de formation, dont vous n’entendrez jamais parler ont pris désormais une toute autre ampleur : avec le Venezuela, Cuba lutte avec efficacité contre l’analphabétisme non seulement en Amérique latine mais dans d’autres pays. C’est exactement la politique inverse de celle adoptée par les pays occidentaux.

- Il existe certes une immigration économique qui part de Cuba, comme dans tous les pays sous-développés, mais l’extraordinaire n’est pas que dans une situation de sous-développement aggravé par l’étranglement du blocus, une telle immigration existe, mais bien le fait que des chercheurs, des médecins, des gens hautement qualifiés à qui il est fait pourtant un pont d’or, choisissent de rester dans leur pays, d’en partager les difficultés.

- Cuba a choisi la souveraineté, la maîtrise de ses ressources, et pour ce pays cela se confond avec le socialisme.

Le vote de l’Assemblée générale de l’ONU, le véritable défi à l’Empire et à ses vassaux, ne s’explique pas si on ignore ce contexte, ce qui est le cas du citoyen français. En revanche, la caricature qui est faite de Fidel Castro va permettre non seulement d’occulter les enjeux véritables, mais d’entériner l’idée que l’alternative socialiste ne peut déboucher que sur la tyrannie. Une telle opération correspond bien à une vision de la politique résumé aux jeux grotesques de marionnettes et s’accompagne d’une perte de repères dans l’espace et dans le temps.

V. Une stratégie beaucoup plus complexe

Puisque nous sommes partis de l’article de Paranagua dans le Monde, il faut encore comparer ce que dit cet article, à ce que disent réellement les « durs » de l’Amérique latine, ceux que Paranagua présente comme les « diviseurs ». La manière dont non seulement les Cubains, les Vénézuéliens et aujourd’hui les Boliviens, loin de « diviser », recherchent au contraire l’unité du continent. Observons de ce fait la manière dont est abordé le cas du Brésil dans cette interview de Morales.

Même si les illusions à l’égard de l’Europe ne sont pas de mise et si l’intervention de Carlos Lage à l’ouverture du sommet Amérique latine et Europe est partagée par la plupart des pays d’Amérique latine, l’objectif poursuivi n’est pas la rupture, mais l’établissement de « véritables » relations comme l’a dit le vice président cubain et cela passe par la dénonciation de celles qui existent actuellement. Transformer en trublions Castro, Chavez et Morales, c’est de la propagande pure et simple.

Malgré la déclaration tonitruante du PDG de Total que nous avons cité, Evo Morales affirme dans cette interview accordé au Figaro le 16 mai 2006 : « Nous voulons un accord avec Total »

Le président Evo Morales était hier de passage à Paris, où il effectue depuis dimanche une visite semi-privée au cours de laquelle il a rencontré plusieurs élus, dont le maire de Paris Bertrand Delanoë, ainsi que le secrétaire du Parti socialiste François Hollande. Il s’est envolé dans l’après-midi pour Strasbourg, à l’invitation du Parlement européen.

LE FIGARO. - Vous avez annoncé le 1er mai la nationalisation des hydrocarbures boliviens. Qu’advient-il des entreprises étrangères, qui contrôlent l’essentiel de la production ?

Evo MORALES. - La nationalisation des hydrocarbures n’est pas seulement une promesse de campagne, que nous tenons aujourd’hui, c’est d’abord une ample revendication du peuple bolivien. Nous n’exproprions personne, nous n’expulsons personne et nous n’éprouvons aucun ressentiment à l’égard de ces entreprises qui ont exploité nos ressources naturelles. Mais il faut améliorer la situation sociale des Boliviens et, pour cela, les règles du jeu doivent changer.

Dans le cas de l’entreprise pétrolière espagnole Repsol par exemple, nous avons d’excellentes relations avec le président (du gouvernement) Zapatero, qui est notre allié, et nous voulons que Repsol reste en Bolivie. Mais désormais comme associée, et non plus comme patron et propriétaire. C’est aussi le cas de la compagnie brésilienne Petrobras.

Quant à la française Total, selon nos informations, c’est la plus flexible et la plus sensible aux questions sociales. Il s’agit aujourd’hui de négocier, c’est pourquoi le décret de nationalisation donne un délai de 180 jours pour ouvrir les discussions. Notre désir est véritablement d’arriver à un accord.

La Bolivie a-t-elle scellé une alliance stratégique avec Cuba et le Venezuela ?

Certains pays offrent leur coopération sans la moindre condition. Quand on dit que (le président vénézuélien) Hugo Chavez est mon tuteur, je réponds que Chavez n’est pas le tuteur d’Evo, mais du peuple bolivien. Les Vénézuéliens bénéficient d’une meilleure situation économique que la nôtre grâce à la souveraineté dont ils jouissent sur leurs ressources naturelles. Ils nous aident sans aucune contrepartie. Cuba, un pays bloqué par un embargo, nous aide à débloquer la Bolivie d’un point de vue social, dans le champ de la santé comme celui de l’alphabétisation. C’est impressionnant.

Mais je dois reconnaître que le gouvernement espagnol a aussi pris l’engagement d’annuler la dette bilatérale pour financer des programmes d’éducation. La Banque mondiale va le faire pour la première fois, tout
comme le Japon, et plusieurs pays européens commencent à l’envisager. En revanche, pour avoir droit à l’aide des Etats-Unis, il faut satisfaire seize critères ! Nous formons avec Hugo Chavez et Fidel Castro une alliance bolivarienne, que nous appelons l’Alba, qui va à l’encontre du marché de libre-échange des Amériques voulu par les Etats-Unis, l’Alca. Pour nous, Alca, c’est plutôt l’acronyme de « Accord pour légaliser la colonisation des
Amériques ».

Comment voyez-vous votre relation avec le Brésil, où l’annonce de la nationalisation, qui frappe avant tout Petrobras, a provoqué une levée de boucliers ?

Certains médias ont tout fait pour provoquer un affrontement entre (le président brésilien) Lula et moi. Ils peuvent essayer, ils n’y arriveront pas. Le Brésil est un allié stratégique avec lequel nous entretenons une relation étroite. Bien sûr, il faudra que nous discutions de l’augmentation du prix du gaz que nous leur exportons. Ce doit être une négociation rationnelle, qui bénéficie à la Bolivie, sans pour autant trop affecter le Brésil. Il en est de même avec l’Argentine.

Vous faites souvent référence à la volonté d’agents extérieurs de déstabiliser votre gouvernement. A qui pensez-vous ?

Il y a, comme il y a toujours eu, des attitudes dictatoriales pour ne pas nous laisser changer la Bolivie, et qui tentent de provoquer des problèmes économiques et sociaux. Selon les renseignements dont je dispose, certaines multinationales travaillent en ce sens, tout comme parfois, l’ambassade des Etats-Unis à La Paz, qui continue à nous provoquer et à nous agresser. Quand le nonce apostolique nous a rendu visite, par exemple, tout le corps diplomatique était présent, sauf les Américains. C’est un signe de mépris. Ils refusent de délivrer des visas à des sénateurs boliviens. Notre relation avec les Etats-Unis est tendue. Nous discutons, mais, dans les actes, eux se comportent mal.

On voit à quel point l’article de Paranagua est démenti par cette interview, mais les faits viennent encore appuyer la démonstration du peu de crédibilité qu’il faut accorder à de telles analyses. En effet une dépêche de l’AFP du 17 mai nous montre que l’action de nationalisation des pétroles boliviens loin de détruire la communauté andine, est contagieuse pour la dite communauté.

AFP : Édition du mercredi 17 mai 2006

Quito — L’annulation du contrat d’exploitation de la société pétrolière américaine OXY en Équateur représente un nouveau revers pour les multinationales du pétrole en Amérique du Sud après la nationalisation le 1er mai du gaz bolivien.

Le ministre équatorien de l’Énergie, Ivan Rodriguez. Les autorités du pays redoutent que leur décision d’annuler le contrat d’exploitation d’OXY n’enterre définitivement le Traité de libre commerce avec les États-Unis, actuellement objet de difficiles négociations.

Occidental Petroleum (OXY) — le principal investisseur étranger en Équateur - a été informé officiellement hier par les autorités de l’annulation de son contrat d’exploitation pour vente illégale d’actions et doit restituer immédiatement les installations et équipements servant à l’exploitation et à la production du brut.

Les autorités équatoriennes redoutent cependant qu’une telle décision enterre définitivement le Traité de libre commerce (TLC) avec les États-Unis, actuellement objet de difficiles négociations. À plusieurs reprises dans le passé, Washington avait lié la signature du TLC à un règlement à l’amiable avec OXY.

« Ce sont des affaires qu’il ne faut pas mélanger. Une telle attitude constituerait un chantage inadmissible entre pays souverains », a déclaré le ministre de l’Intérieur Felipe Vega, évoquant des représailles américaines.

Le Venezuela, principal adversaire des États-Unis dans la région, pourrait devenir l’un des partenaires stratégiques sud-américains de l’Équateur afin de contrôler les champs pétrolifères qu’exploitait OXY, menacent les autorités de Quito.

Le ministre équatorien de l’Énergie Ivan Rodriguez a ajouté qu’il envisageait aussi la possibilité « de signer un contrat direct avec une entreprise nationale d’un autre pays, ce qui permettrait de renforcer techniquement Petroproduction [filiale de la compagnie nationale équatorienne Petroecuador] qui sera chargée de l’exploitation des champs pétroliers d’OXY ».

M. Rodriguez a cité les noms des candidats à une alliance avec Petroecuador, dont PDVSA (Venezuela), ENAP (Chili), Pemex (Mexique), Ecopetrol (Colombie) et Petrobras (Brésil).

« Beaucoup de chefs d’État d’Amérique du Sud seront contents de cette décision, à commencer par les présidents vénézuélien Hugo Chavez et bolivien Evo Morales, et bien que les États-Unis puissent la combattre en alléguant une confiscation illégale, elle s’inscrit dans le cadre de la loi », a déclaré à l’AFP l’ancien président de Petroecuador Jorge Pareja.

M. Pareja affirme ne pas craindre que l’annulation du contrat d’OXY fasse fuir du pays les autres investisseurs étrangers.

« La Bolivie, en nationalisant les hydrocarbures, a mis les pétroliers étrangers dans les cordes, et l’Équateur leur porte maintenant un uppercut à la mâchoire », estime un économiste équatorien qui a requis l’anonymat.

Hier, la compagnie nationale Petroecuador a adopté les mesures nécessaires à la prise de contrôle des gisements amazoniens qu’exploitait OXY, a annoncé le président de Petroecuador, Fernando Gonzalez. En application de la loi, Petroecuador est devenu hier l’opérateur du bloc 15, situé en pleine jungle amazonienne et qui fournit 100 000 barils par jour, soit un cinquième de la production du pays.

Bien que le ministre équatorien de l’Énergie ait déclaré « sans appel » l’annulation du contrat, le quatrième groupe pétrolier américain, Occidental Petroleum, indiquait dans un communiqué publié hier à Washington qu’il espérait encore « trouver un accord à l’amiable ».

L’entreprise américaine est accusée de violer la loi équatorienne en vendant 40 % de ses actions à la multinationale canadienne Encana, aujourd’hui propriété de l’entreprise chinoise Andes Petroleum, sans l’autorisation de l’État.

En retirant la licence d’OXY, le gouvernement de Quito va apaiser les populations indiennes qui depuis des mois exigent le départ de la multinationale américaine.

L’Équateur, cinquième producteur d’Amérique latine, extrait 530 000 barils de brut par jour, dont 37 % par la compagnie nationale Petroecuador. Ses exportations représentent 67 % de la production, soit un revenu de 4,8 milliards de dollars.

Pour dépasser le rideau d’ombre que la propagande médiatique tend entre notre réalité, celle du monde et donc la recherche de véritable solutions, il faut bien voir les enjeux, les alternatives. Le rassemblement peut et doit être plus vaste que celui qui s’organise autour de la rupture avec l’ordre social existant, mais dans le même temps ceux qui sont convaincus qu’il n’y a pas d’autre alternative que le socialisme, doivent être en capacité d’y réfléchir non comme à un dogme, mais comme une réponse aux problèmes qui sont les nôtres.

Au vu de ce qui se passe à Cuba, en Amérique latine, dans le monde et en Europe, nous ne pouvons que dire notre accord avec Fernando Martinez Heredia, le sociologue cubain : « Il est indispensable d’aller au fond de ces questionnements pour une raison très pratique : le socialisme va émerger une autre fois comme proposition pour ce monde, et ceci l’oblige à avancer comme promesse et vouloir se présenter comme politique et comme prophétie.

Mais il ne sera pas possible de le tenter sans solder ses propres comptes, sans radicaliser ses projets, sans rediscuter et avancer sur le plan théorique, sans partir de la situation réelle actuelle, sur ses aspects favorables et défavorables et ses tendances, avec l’objectif de changer les choses à la racine ».

Notes :
(1) fernando Martinez Heredia. El corriemento hacia el rojo. Editorial lettras Cubanas. 2001.pp 9 .10 et 11. Si nous accolons l’épithète « critique » à cet auteur, c’est en fonction de ses « mésaventures », dont il fait état avec un minimum de ressentiment dans son livre, celui de la revue « critique » Politica dont la publication a été interrompue dans les années 70, celles que les Cubains considèrent comme les années « grises », les années de la soviétisation. Malgré cette expérience, non seulement il est resté à Cuba, mais il publie c’est-à-dire que ce livre est édité par les éditions de l’Etat.

(2) il faut également considérer la politique monétaire, l’alignement de la monnaie nationale sur le dollar, voir la dollarisation pure et simple de l’économie.

(3) En France nous n’avons rien su ou si peu de la manière dont des multinationales françaises comme Suez, ou même EDF ont été convaincues de véritables prévarications, allant jusqu’à faire payer des services qu’elles ne rendaient pas, achetant des hommes politiques, etc...

(4) El Païs non seulement fait partie du groupe de médias qui au Venezuela organise la propagande anti-Chavez, mais est également lié à Respol. Sans mesurer les liens de plus en plus étroits des médias à ces grandes transnationales, leur propre concentration, toute l’analyse des mensonges médiatiques reste lettre morte.

(5)Qiao Liang. Wang Xiangsui. la guerre hors limite. 1999 édition chinoise. 2003 édition française Payot.Rivage

(6) Paulo A. Paranagua Article paru dans l’édition du 12.05.06 du Monde.

(7) Total, qui détient une participation de 15% dans les gisements de San Antonio et San Alberto, au sud-est de la Bolivie, opérés par le brésilien Petrobras (PETR3.SA - actualité) , n’avait pas jusqu’à présent fait de commentaire sur la nationalisation des hydrocarbures annoncée le 1er mai par le président bolivien Evo Morales. On comprend mieux pourquoi l’article de Paranagua dans le Monde accorde une telle place au mécontentement brésilien. Par contre, il ne fait pas état de la manière dont Lula, le Président du Brésil est intervenu pour empêcher une crise entre Petrobas et la Bolivie. Donc l’article table non seulement sur la division de l’Amérique latine, mais sur l’isolement et l’affaiblissement de Lula au sein de son propre gouvernement.

(8) Seront en revanche complètement passées sous silence les statistiques publiées le 13 mai au Venezuela et qui constatent une baisse de la Pauvreté au Venezuela. Les indices tombent de 55 % à 37% ou 27 % selon les modes de calcul

Les indices de pauvreté au Venezuela ont baissé de 55 à 37, ce qui représente 18 points en pourcentage durant les dernières neuf années, a assuré ce vendredi une étude de l’Institut National de Statistique du Venezuela (I.N.S.), se basant six millions de foyers.

“ Il s’agit d’une évaluation conjoncturelle qui peut avoir ses faiblesses mais qui permet de servir de comparaison avec les autres pays. D’autre part, ce mode d’évaluation n’inclut pas l’application des programmes sociaux et les missions sociales qui ont apporté une diminution beaucoup plus grande de la pauvreté”, a dit Elías Eljuri, directeur de l’I.N.S. » D’autre part, lorsque l’on considère les nécessités de base insatisfaites selon la Commission Économique pour l’Amérique latine (ECLA), cet indice descend à 27%

L’étude a pris comme variables la désertion scolaire, l’entassement dans les logements, les maisons en conditions inadéquates et les foyers sans accès à l’eau potable et autres services. Elias Eljuri prévoit que pour fin 2006, les niveaux de chômage, qui atteignaient en mars dernier 10.1%, descendront à 7 %.

(9) Des faits d’autant moins contestables qu’à peu près à la même époque, la France et la Hollande non seulement participent à de grandes manÅ“uvres des Etats-Unis dans les Caraïbes, mais offrent à ceux-ci la Guadeloupe comme port d’attache.

(10) Il existe même au niveau local des alliances encore plus étonnantes puisque Hayder le dirigeant autrichien d’extrême-droite dont l’élection avait été considérée comme le signe du danger fasciste en Europe gouverne aujourd’hui son fief de Carinthie dans une coalition dans laquelle on pris place les sociaux-démocrates. Le côté éclaireur de l’extrême-droite se mesure bien si l’on considère la place grandissante de thèmes comme l’immigration, la lutte contre le terrorisme, dans les politiques sécuritaires mises en place, et qui aboutissent toutes à une limitation des libertés des citoyens, et peuvent se retourner en priorité contre les luttes sociales. Ce qui se passe aujourd’hui aux Etats-Unis est à l’Å“uvre en Europe aussi.

(10) face à la crise de la période de toutes les organisations, mais aussi face à sa crise propre liée à la chute de l’URSS, le PCF a répondu par « la mutation ». Celle-ci non seulement n’a pas tenté d’enrayer l’hémorragie, mais elle l’a accélérée en détruisant systématiquement toutes les organisations de proximité, et même les liens traditionnels entre le syndicalisme et le politique...

(11) Situation excellemment résumée par François Hollande, le premier secrétaire du PS, quand à propos de l’élection présidentielle de 2007, il déclare : « Le PCF devra choisir entre un candidat à l’élection présidentielle et un groupe communiste à l’Assemblée Nationale ».

(12) La encore la soumission au PS, peut aboutir vu l’atlantisme traditionnel de ce parti, à des interprétations qui vont au-delà de certaines forces de droite qui conservent un certain sens de la souveraineté nationale, l’attitude à l’égard de Cuba en est la meilleure preuve.

(13) par exemple il y était indiqué que Cuba envoyait des enseignants au Venezuela contre un tarif préférentiel pétrolier, en oubliant que c’était toute la zone Caraîbe qui bénéficiait de ce tarif préférentiel et que depuis un an, dans le cadre de l’ALBA, l’envoi de médecins, enseignants, jusqu’ici gratuit rentraient dans les échanges commerciaux entre les deux pays.

(14) Les nationalisations intervenues en 1981, puis leur privatisation, le tout pour le plus grand profit des transnationales, constituent en quelque sorte une expérience repoussoir, mais le fait de ne jamais poser la question évacue l’examen des conditions réelles d’une véritable nationalisation, au mieux sera-t-il fait référence à une « mixité ».

(15) Dans DE MAL EMPIRE, nous faisons état du « deal » passé entre l’Europe et les Etats-Unis à propos de la loi Helms Burton et que l’on trouve dans un rapport de l’Assemblée Nationale française de 98. L’Europe se trouvait préservé de certains aspects les plus nocifs de cette loi pour ses transnationales, à la condition qu’elle continue sa pression sur les « droits de l’homme » à Cuba. On ne comprend rien à une organisation comme Reporters sans Frontières, les générosités dont elle bénéficie de la part de l’Union Européenne si l’on ne mesure pas ce partage des rôles et cette entente. Il s’agit de l’ONG, la plus voyante, mais il y en a d’autres. Danielle Bleitrach, Viktor Dedaj et Maxime Vivas, Les Etats-Unis DE MAL EMPIRE, ces leçons de résistances qui viennent du Sud. Aden editeur. 2005.

On comprend mieux à la fois les avancées du Sommet et les réticences qui subsistent « Le contenu de la déclaration déjà approuvée par les ministres des Affaires étrangères et qui doit être adoptée par les chefs d’État est une victoire pour notre Révolution et les positions que nous défendons », a déclaré le vice-président cubain Carlos Lage à la presse cubaine depuis Vienne.

C’est « la première fois », selon lui, qu’une déclaration commune avec l’UE rejette « toutes les mesures coercitives de caractère unilatéral avec des effets extra-territoriaux », selon le document qu’il a cité. Le responsable cubain faisait allusion à la loi Helms-Burton qui a durci en 1996 l’embargo américain contre Cuba en menaçant de sanctions les entreprises non-américaines investissant à Cuba.

Pour autant, Carlos Lage, qui dirige la délégation cubaine à Vienne avec Felipe Perez Roque, ministre des Relations extérieures, a fustigé les hauts fonctionnaires européens pour leur refus de désigner explicitement les États-Unis et la loi Helms-Burton. « Il y a eu une forte résistance, mot à mot, de la part de l’UE, je dirais presque une terreur à l’idée de désigner les États-Unis », a déclaré le responsable, accusant les États-Unis de « génocide dans la guerre d’Irak » et les qualifiant de « plus grands violeurs de droits de l’homme du monde ». La « vraie alliance stratégique » de l’Union européenne « n’est pas avec l’Amérique latine » mais avec les États-Unis parce qu’elle « bénéficie au même titre » que Washington « de l’actuel ordre économique international qui pille les pays du tiers-monde », a-t-il poursuivi. Carlos Lage a également commenté les déclarations de la ministre autrichienne des Affaires étrangères Ursula Plassnik, dont le pays préside actuellement l’UE, selon lesquelles l’Union n’a pas encore décidé de la reconduction ou non de la suspension des sanctions contre Cuba, décidée en 2003 après la vague de condamnations de 75 dissidents.

L’UE « n’a ni raison ni justification morale pour sanctionner Cuba. Elle n’a pas de raison parce qu’aucun pays n’a fait autant d’efforts pour le bien-être de son peuple ; elle n’a pas de justification morale parce que l’Europe elle-même a soutenu et été complice des États-Unis dans la guerre contre l’Irak », a-t-il déclaré. Aucune raison sauf l’entente passée et les intérêts communs dans le pillage.

(16) Les affirmations de Forbes ne sont pas récentes. En 1998, dans une rencontre du président cubain avec 32 éditeurs étasuniens, on a déjà été discutées les calomnies du magazine. Son propriétaire, Steve Forbes, est lié à l’extrême droite étasunienne et à celle d’origine cubaine aux États-Unis, ont signalé le 5 mai les journalistes participant à l’émission télévisée « Table ronde », de la télévision cubaine. Héritier de plus d’un milliard de dollars, il a dépensé presque 100 millions dans deux campagnes électorales en essayant de matérialiser ses aspirations à devenir candidat aux présidentielles. Il est fondateur du Projet pour un nouveau siècle américain, signé en 1997, qui prône le leadership global des Etats-Unis aussi bien que la suite des projets politiques inachevés de Ronald Reagan et la « guerre préventive ».

A ces calomnies, Fidel Castro a répondu officiellement que si on découvrait un compte en banque dans le monde lui appartenant, il démissionnait tout de suite de ses responsabilités.

(17) Le Figaro. Propos recueillis par Lamia Oualalou , 16 mai 2006



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