Soyons visibles et faisons de la politique !

mardi 30 novembre 2010
popularité : 4%

Il faut le dire, c’était une réussite : 200 participants venus de toute la France et un demi millier en tout dans la salle du théâtre du Merlan, pour la séance plénière des 2e Rencontres nationales des luttes de l’immigration, ce samedi 27 novembre à Marseille. Idem le soir, avec un public très jeune, applaudissant debout à la fin du spectacle « A nos morts », proposé par la Compagnie Mémoires Vives. Coup de chapeau aussi pour le contenu, le niveau des témoignages et des débats, et enfin pour la qualité et l’efficacité de l’organisation pilotée par Kader Atia, le coordonnateur régional et directeur de l’Ampil.

Une chose est sûre, en tous cas, les applaudissements de ce samedi à presque minuit ne marquent pas la fin de l’histoire. Les troisièmes Rencontres nationales des luttes de l’immigration sont déjà en route : elles auront lieu à Paris, ouvertes à tous sauf « les Khobzistes, les nègres blancs, les mangeurs de soupes, les fayots de la république », comme le précisait Said Bouamama en concluant la séance plénière de samedi [1].

Après les réflexions de la journée du vendredi, partagée entre la transmission intergénération à Septèmes et l’action syndicale des mineurs à Gardanne, et les émotions de la matinée du samedi, consacrée aux « histoires urbaines et luttes pour la dignité », cette plénière était résolument orientée vers l’action. Trois tables rondes se sont succédées.

La première, sur les luttes syndicales et pour l’égalité des droits dans l’emploi jusqu’à la lutte contre les discriminations raciales dans le monde du travail (selon le Bureau international du travail 4 employeurs sur 5 pratiquent la discrimination), a bénéficié du témoignage de M. Abdallah Samat, responsable de l’Association des mineurs marocains du Nord. Un témoignage impressionnant de sagesse, de courage et… de jeunesse malgré l’âge de l’intéressé. « Vous êtes vivants, vous ne pouvez pas continuer à pleurer sans rien faire, il faut vous mettre debout, il faut vous organiser ! » martelait cet homme, qui a lutté sans répit contre les persécutions des Charbonnages de France et porte aujourd’hui fièrement sa Légion d’Honneur, la première remise à un immigré.

Grand témoin également dans cette table ronde « notre Momo » Bedhouche, délégué syndical CGT de Carrefour, qui explique à la lumière de son expérience que « la seule alternative, c’est de se battre ». « Rien ne leur est donné » renchérit Charles Hoareau en parlant « des immigrés ou de ces Français que certains ne voient pas Français ». Invité à s’exprimer notamment sur son expérience du Comité chômeurs CGT, Charles Hoareau dénonce ce couple terrible : chômage et racisme, deux outils redoutables de division de la classe ouvrière et la notion d’intégration à un système et une république antidémocratique que nous devons combattre.

La deuxième table ronde s’occupait des luttes associatives, civiques, militantes. A la tribune, deux associations récentes et médiatiques, le CRAN (Conseil représentatif des associations noires) et les Indivisibles, qui décernent chaque année les « Y’a bon Awards » aux plus racistes, côtoyaient deux organisations marseillaises : Quartiers Nord Quartiers Forts et Schebba. Autres grands témoins, Ali Aissaoui, ex-président de l’Union des initiatives républicaines (UNIR) et ancien adjoint à la maire PS de Reims, démissionnaire en 2009 après avoir été mise en cause notamment pour sa participation aux manifestations contre les bombardements de Gaza, et Esméralda Romanez, présidente sortante de l’association Samudaripen (génocide) pour la mémoire des internés et déportés tziganes et déléguée aux droits de l’homme de la communauté Rrom au Conseil de l’Europe.

Un débat très dense s’est instauré entre la tribune et la salle qu’on pourrait résumer sommairement par une phrase Ali Aissaoui : « pas les Italiens, pas les Espagnols, pas les Portugais, nous sommes les seuls catalogués comme fils d’immigrés et en même temps tout le monde a le droit d’être communautaire sauf nous ». En écho, Esméralda la Gitane rappelle « Nous, on est Français depuis 5 siècles et il nous faut 3 ans de résidence pour avoir le droit de vote… Mais ne nous montrons pas du doigt, ça porte malheur, soyons plutôt unis comme le poing levé ! ».

La troisième table ronde sur les luttes politiques réunissait à la tribune le mouvement politique autonome « Fresnes à Venir », le Parti des Indigènes de la République (PIR), le NPA, Maurad Goual, démissionnaire de l’UMP et récent fondateur de l’Union des Minorités, Akli Mellouli, conseiller municipal PS de Bonneuil-sur-Marne et président de l’Espace Franco-Algérien, et Mouloud Aounit membre de la présidence du MRAP et du Conseil national du PCF.

Inutile de dire qu’entre tenants d’un mouvement politique autonome et partisans de l’entrisme, le débat a été chaud au point d’entendre, lancé de la salle : « des marcheurs de l’égalité aux démarcheurs de subvention ? ». L’ombre de la marche pour l’égalité et contre racisme (1983), détournée de son sens par l’appellation « Marche des Beurs », planait sur cette dernière table ronde et pas seulement parce quelques uns de ses organisateurs étaient encore là, toujours motivés.

« 25 ans après, le constat est amer et consternant » soulignait Mouloud Aounit. La France discrimine toujours les immigrés mais aussi les Français : « Beurs », « potes », « issus de l’immigration », "diversité", les appellations se succèdent tandis que les discriminations perdurent, comme si certains d’entre nous étaient destinés à n’être jamais des Français à part entière.

Dans la salle, une intervention appelle à être concret : « il faut créer un réseau, faire circuler l’information, pour que la prochaine fois que l’un d’entre nous se fait buter par les flics on n’ait pas tout à recommencer comme chaque fois ». Une idée reprise dans les conclusions de ces deux jours formulées par Said Bouamama à propos de la question du contrôle social et d’une possible intervention de l’armée dans les quartiers (proposition de F. Rebsamen, maire PS de Dijon) : « Il ne faut pas que 2005 se reproduise, les banlieues en feu et pas une manifestation pour dire aux jeunes, vous êtes nos fils, nous sommes là… »

Il est décidé de mettre en place une formation de cadres politiques et militants. Objectif : apprendre à être visibles, politiques et, si nécessaire, impolis, pour paraphraser les trois caractéristiques du statut de l’immigré dans notre société postcoloniale selon le grand sociologue Abdelmalek Sayad, à savoir invisibilité, apolitisme et politesse.

Premier rendez-vous le 17 octobre 2011, 50e anniversaire du massacre du 17 octobre 1961, dernier méfait d’un préfet nommé Papon.


[1Voir la synthèse des travaux par S. Bouamama document joint



Documents joints

Synthèse des 2<sup class="typo_exposants

Commentaires

Logo de <span class=ROBERT GIL" />
samedi 4 décembre 2010 à 17h34 - par  ROBERT GIL

en complement je peut vous proposer cette article pour les plus curieux

http://2ccr.unblog.fr/2010/10/28/a-qui-profite-limmigration/

Sites favoris


20 sites référencés dans ce secteur