C’est douloureux mais ce n’est pas de notre faute !

lundi 2 mars 2009
par  Charles Hoareau
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C’est à partir de l’été 2003 qu’un million de chômeurs découvraient « au fil de l’eau » comme le dira joliment l’UNEDIC, qu’ils étaient recalculés, c’est-à-dire que la durée de leurs droits qui leur avait pourtant été dûment notifiée était amputée de 7 à 14 mois selon les cas. Saisissant la justice par milliers, dans une action coordonnée par la CGT et les associations de chômeurs, celle-ci leur donna raison. Les premiers verdicts connus, anticipant sur la suite, Borloo, alors ministre du travail, annonça le 4 mai, qu’il réintégrait tous les chômeurs dans leurs droits.
Comme le dit la CGT l’affaire aurait pu, aurait du en rester là. Mais le MEDEF, à la tête de l’UNEDIC ne l’entendit pas de cette oreille et bien qu’ayant dit à chaque fois qu’il acceptait le verdict, fit appel à toutes les étapes de la procédure.

Les 35 chômeurs marseillais, les premiers à avoir gagné au TGI le 15 avril 2004 durent passer en appel à Aix le 16 juin suivant.
Ils gagnèrent encore.
L’UNEDIC saisit alors la Cour de Cassation qui, en 7 lignes et un argument tiré par les cheveux, cassa l’arrêt dans une décision qui aurait pu néanmoins permettre le statu quo si on en était resté là.
Mais l’UNEDIC, revancharde n’en fit rien et, 5 ans après les faits, pour une question de principe, assignait ce lundi 2 mars 2009 les 35 premiers coupables de crime de lèse MEDEF, devant la cour d’Appel de Lyon…
Compte rendu d’audience.

Une cinquantaine de personnes accompagnait les chômeurs assignés. Des chômeurs bien sûr, de Lyon, du Rhône, de Grenoble, mais aussi des salariés de l’UNEDIC et de l’ANPE (devenues Pole Emploi), une délégation du bureau national des chômeurs CGT et André GERIN, député maire communiste de Vénissieux venu les saluer en voisin de luttes dans un lieu qu’il connait bien !

L’audience démarre par une difficulté cocasse : l’UNEDIC se trouverait presque boutée de la procédure suite au changement de statut et à l’avènement de Pole Emploi !

Passée cette question de droit, l’avocat de Pole Emploi plaide, une plaidoirie qu’il qualifiera de politique : « En 2000 l’UNEDIC avait des excédents et on a négocié large (sic !)….Mais en 2002 on s’est retrouvés en déficit et il a fallu emprunter. On n’a pu le faire qu’en adoptant une clause de sauvegarde qui prévoyait qu’en cas de nouvelles difficultés on réduirait les droits des chômeurs : c’était notre garantie d’emprunt. Quand la crise s’est abattue sur l’UNEDIC (on dirait qu’il parle d’un cyclone imprévu ou d’un immense cambriolage NDLR) on a été obligés de réduire les droits des chômeurs…Puis les politiques ont été sensibles aux souffrances des chômeurs et l’Etat n’a plus exigé le remboursement des emprunts et on a pu réintégrer les chômeurs. » Bel exemple de réécriture de l’histoire ! Les plus de 2000 procédures intentées, les procès gagnés à Paris, Bordeaux, Créteil, Marseille…et ailleurs, le soutien palpable de l’opinion publique n’y ont donc été pour rien à cette soudaine compassion…

Il aborde ensuite plusieurs questions de droit dont une au moins mérite d’être citée : « il ne peut pas y avoir d’avantage ou de droits acquis dans une convention collective sinon cela « bride la négociation » (sic !)

Et il termine en répondant par avance au tribunal qui pourrait se demander pourquoi faire appel 5 ans après, alors que de toute façon les chômeurs ont été rétablis dans leurs droits ?
Pour le préjudice moral !!
« Personne ne peut contester la souffrance d’un chômeur en fin de droit, mais l’UNEDIC n’est qu’une simple exécutante, elle n’est pas coupable, elle n’a donc pas à payer. »

En clair c’est une nouvelle version du responsable mais pas coupable, les 35 chômeurs doivent rendre les 1000€ de dommages et intérêts qu’ils ont perçus…et bien sûr dans cette hypothèse les frais de justice engagés depuis le début de cette procédure fleuve !

Gérard (un des 35) et sa femme devant la cour d’appel

C’est ensuite à Me SANGUINETTI de répondre et elle commence par réparer un « oubli » de son adversaire « Dans cette affaire c’est l’UNEDIC qui a décidé de faire rétroagir des dispositions sur des allocations déjà versées ! D’abord on instaure avec le PARE et le PAP des obligations nouvelles et individualisées en contrepartie desquelles on écrit aux chômeurs « en signant le PARE vous garantissez vos droits » puis on revient en arrière de manière unilatérale. On enlève à une assurance chômage tout son caractère de garantie contractuelle. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. »

Et de rappeler que le MEDEF n’a jamais fait mystère de sa volonté de contractualiser les allocations chômage (notion à laquelle la CGT et FO étaient opposées) afin de mieux « responsabiliser les chômeurs ».
Ne répondant pas à nombre de questions, la cour de cassation a estimé que juridiquement il n’y avait pas de contrat, mais pour autant, cela n’enlève pas tous les arguments qui donnent raison aux chômeurs.

- On ne peut contester qu’il y avait un engagement unilatéral de l’ASSEDIC auquel les chômeurs ont cru et sur la base duquel ils se sont engagés. Ainsi, parmi les 35, l’un d’entre eux avait créé son entreprise sur la base d’une allégation de l’ASSEDIC qui lui avait écrit : « si vous faites faillite dans les 3 ans, vous retrouverez tous vos droits ».

- En outre, l’ASSEDIC devait une information aux chômeurs, or elle a fait exactement le contraire, puisque dans une note interne, préalable à la réduction des droits, elle avait écrit on préviendra les chômeurs au fil de l’eau en espérant sans doute qu’ils ne se révoltent pas.

- De plus, s’il y avait catastrophe économique, l’ASSEDIC aurait du tenir compte du fait que la cour de cassation a déclaré que le droit à l’allocation en cours doit être garanti. Autrement dit, la Cour estime qu’on peut envisager de réduire les droits des nouveaux chômeurs, mais pas de ceux déjà indemnisés.

- Enfin, et ce n’est pas le moindre des arguments à nos yeux, le déficit de l’UNEDIC, n’est pas une catastrophe tombée du ciel. Comme l’avait déclaré le Vice Président de l’époque Mr KESSLER « On a vidé les caisses en réduisant les cotisations » La clause de sauvegarde aurait pu prévoir de ré augmenter les cotisations, et non de réduire les droits des chômeurs. Comme l’a justement fait remarquer Me Sanguinetti, seule l’imprévisibilité économique peut justifier le recours à la clause de sauvegarde.

Et nous ajouterons après elle, que toute la question de la gestion de l’UNEDIC est là. Depuis trente ans, à chaque fois qu’il y a eu excédent il y a eu baisse des cotisations, et chaque fois qu’il y a eu déficit, il y a eu baisse des droits des chômeurs.

Cela le TGI de Marseille de l’avait sanctionné, ce que n’a pas supporté le MEDEF.

Ce qui est au cœur de ce procès pour l’UNEDIC, quoiqu’elle en dise, c’est que la justice lui reconnaisse ce droit à changer quand elle veut les règles du jeu, selon les intérêts de ceux qui sont aux commandes.

Comme le dit Me Sanguinetti, cette nouvelle audience a mis en lumière le fait, que la Cour d’Appel de LYON a largement de quoi argumenter pour donner définitivement raison aux chômeurs.

Réponse, le 31 Mars.



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