Pourquoi la France refuse le capitalisme.

jeudi 22 juin 2006
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Non seulement ces imbéciles de français n’ont rien compris à l’Europe mais en plus voilà maintenant qu’ils disent capitalisme basta...et ça désole l’auteur de l’article.

- Des patrons qui empochent des millions d’euros, des géants du CAC 40 qui délocalisent malgré leurs profits... les Français ne comprennent plus la mondialisation et rejettent l’économie de marché.
Enquête sur un divorce inquiétant qui fait de la France une exception parmi les pays développés

C’est un sondage qui en dit beaucoup sur notre pays.
L’institut américain GlobeScan et l’université du Maryland ont posé dans 20 pays cette question apparemment anodine : le système de l’économie de marché et de la libre entreprise est-il le meilleur mode de fonctionnement pour le monde ?. Pour la grande majorité des sondés, 61% en moyenne, la réponse était oui.

- La seule surprise provenait de... la France, qui, en queue de peloton, était la seule à ne pas être d’accord, avec seulement 36% des Français adhérant à l’économie de marché.

Loin derrière le premier du classement, la Chine, en pleine euphorie (74% des petits-enfants de Mao sont de fervents supporteurs du capitalisme) ou des Etats-Unis (71%), mais aussi de nos voisins européens, que ce soit l’Angleterre (66%) ou l’Allemagne (65%), voire même, plus inattendu, de pays comme le Nigéria ou la Turquie.

- A bas le capitalisme ! Voilà la rumeur qui semble enfler et gronder au sein de notre pays.

- Les Français ont trouvé leur nouveau Satan. Il s’appelle Libéralisme, Mondialisation, Economie de marché...C’est un démon qu’ils ont voulu conjurer en votant « non » au référendum l’année dernière.

Lui encore dont le spectre planait au printemps pendant la grande révolte du CPE.

Face à cet épouvantail sans visage, les Don Quichotte de tout poil sont devenus de nouveaux héros : c’est Michael Moore, couronné à Cannes en 2004 et fêté à chacun de ses passages en France (l’anticapitaliste apprécie les suites du Royal Monceau à 1 000 euros la nuit...), c’est José Bové, désormais icône indéboulonnable grâce au démontage d’un Mc Donald’s, ou encore le député UDF Jean Lassale, avec ses trentes et un jours de grève de la faim pour empêcher la « délocalisation » d’une entreprise à 50 kilomètre de sa circonscription.

« Cela montre vraiment notre rapport schizophrène par rapport à la mondialisation. En France, on préfère les postures rebelles et héroïques, au détriment du réformisme », constate Zaki Laïdi, politologue et enseignant à Science-Po.

- Le rejet du capitalisme, voire quelquefois de l’entreprise commence à inquiéter.
A Bercy, on est categorique : la raison du malentendu viendrait de « l’inculture économique importante de notre pays », selon les termes mêmes de Thierry Breton.

A tel point que le ministère des Finances monte une comission pour réfléchir sur l’enseignement de l’économie. « De toute façon, l’économie, qui traite des faits et de chiffres, n’a jamais été une science noble en France. Et on mélange sciences sociales et économie, alors que ces deux disciplines n’ont rien à voir », explique l’économiste Daniel Cohen.

Ce n’est pas pour rien qu’au lycée les élèves suivent des cours de SES, sciences économiques et sociales.

L’anticapitalisme commence-t-il dès l’école ?

Dans un manuel de SES, on pouvait lire, il y a cinq ans, que « la croissance, génératrice de pauvreté et de chômage », est un moyen « pour que les riches puissent s’inventer de nouveaux luxes et que les moins riches et les pas trop pauvres puissent satisfaire de nouveaux besoins ».

Radical ! L’entreprise, elle, est souvent vue comme lieu d’aliénation. Notamment parmi les professeurs.
Comme Nicolas, 32 ans, qui a laissé tomber son école d’ingénieurs pour devenir professeur de mathématiques : « Je ne supporterais plus de travailler dans une entreprise. Et je me demande même si j’aurais pu vivre avec quelu’un travaillant dans une banque ou dans un cabinet de conseil, aux prises quotidiennement avec une logique de profit. »

- Les professeurs allergiques aux entreprises ? Au Medef, qui organise des semaines de découverte des entreprises, on avoue avoir du mal à impliquer les enseignants du secondaire, comme si fricoter avec l’univers capitalisme c’était déjà signer un pacte avec le diable.

Mais il n’y a pas que chez les professeurs que l’entreprise est mal vue ! Des cadres dégoûtés se précipitant vers les concourts de la fonction publique pour devenir instituteurs ou professeurs, des trentenaires lassés d’enchaîner les contrats précaires qui, une fois obtenu le CDI tant rêvé, décident de lever le pied...

- Jamais l’entreprise n’a suscité un tel rejet, comme l’a montré le succès surprise l’année dernière du pamphlet « Bonjour paresse », de Corinne Maier,une cadre d’EDF.

« C’est vrai, on a du mal à faire passer une image positive, regrette Véronique Morali, directrice générale à Fimalac et chargée au Medef de la comission »perception de l’entreprise« . Il y a toujours l’idée que le public, c’est bien, et le privé, le mal ».

- Pour redorer son blason, le Medef risque en tout cas de s’agiter dans le vide pendant pas mal de temps !

- En France, la parole des patrons n’a aucun poids. Ce n’est pas du tout le cas en Italie par exemple, ou les patrons sont partie prenante du débat public", juge l’essayiste et consultant Alain Minc. Peut-être parce que le pays manque cruellement d’entrepreneurs à la Bill Gates, héros positif aux Etats-Unis :

- Sur les 40 entreprises du CAC 40, la moitié sont dirigées par des pantouflards, avec le traditionnel passage dans les cabinets ministériels et le parcours classique Polytechnique, ENA, voire les deux, et six sont des héritiers !

le patron reste dans notre imaginaire collectif lié aux frasques d’un Bernard Tapie, dans les années 1980, aux folies d’un Jean-Marie Messier à la fin des années 1990.

Et puis l’argent reste chez nous encore tabou.L’héritage de notre culture catholique ? Le sociologue allemand Max Weber a démontré au début du XXe siècle de façon limpide comment le protestantisme- et particulièrement le calvinisme- avaient été le socle de l’émergence du capitalisme.

Pour les calvinistes, en effet,les hommes sont prédestinés, soit au salut, soit à l’enfer. Et l’accumulation des richesses est loin d’être dénigrée, puiqu’elleest tout bonnement un moyen d’affirmer, et même de confirmer, ce statut d’élu.

« C’est une conception profondément inégalitaire. Qu’on retrouve encore aujurd’hui dans les pays anglo-saxons, qui acceptent beaucoup plus les inégalités engendrées par l’économie de marché. Ce n’est pas le cas de la France qui reste unesociété viscéralement égalitaire », juge l’anthropologue Emmanuel Todd.

Une France qui, comme le célèbre gangster de Chicago Al Capone, n’est pas loin de penser que « le capitalisme, c’est le racket légitime organisé par la classe dominante ».

Surtout qu’au plus haut de l’Etat le président lui_même, de droite pourtant, affirme haut et fort que « le libéralisme est pire que le communisme » !

Les vrais supporteurs d’Olivier Besancenot et d’Attac ne sont pas ceux qu’on croit... Car c’est peut-être à droite, bizarrement, qu’on a eu le plus de mal à se faire aux idées libérales,tant la tradition étatiste et colbertiste reste forte.

- On a un président qui rêve de se positionner entre Chavez et Morales.

En fait le seul qui a tenté de convertir les Français à l’économie de marché, c’est Mitterrand en 1983",ironise Alain Minc.Même si aujoud’hui, poussé par la frange Attac-LCR,la tentation devient de plus en plus forte au PS de surfer sur un anticapitalisme musclé.

Surfer, seulement...Les rodomontades sur le patriotisme économique, lors du projet de fusion Suez-GDF,il y a quelques mois, présenté par Thierry Breton lui-même, entouré des deux PDG, qui avaient l’air de petits garçons,nous ont attiré une réputation d’indécrotables protectionnistes en Europe.

Gare pourtant ! On peut avoir des surprises.

Car si, en Allemagne ou au Japon, on ne parle pas de patriotisme économique, on ne se gêne pourtant pas pour protéger en coulisses ses entreprises et ses industries de façon financière.

Profondément antilibéral et anticapitaliste dans le discours, notre pays a en fait très largement entamé- et peut-être encore plus que les autres- sa conversion à l’économiede marché.

- L’Etat ? Il cède année après année les entreprises publiques (France Télécom, Air France...).

- La France protectionniste ? Nos grandes entreprises se sont jetées avec enthousiasme dans le grand bain de la mondialisation.Sur la planète du CAC 40, on ne s’interesse ainsi plus trop au microscopique village qu’est la France et pour cause.

- Chez Total ou L’oréal, l’essentiel du chiffre d’affaire se fait en dehors de l’Hexagone. Quand à la production, elle est souvent délocalisée en Chine ou en Europe de l’Est.

- Leur capital ? Il est détenu à 44,4% par des fonds d’investissement étrangers,et tant pis pour le patriotisme économique. La crise ? Connais pas. Alignant les profits records, les grandes entreprises du CAC 40 n’ont jamais autant prospéré.

Et les salaires de leurs dirigeants aussi, qui penvent se comparer sans complexes avec leurs homologues étrangers. Quitte à perdre le sens commun comme Antoine Zacharias, patron de Vinci, qui vient de se faire destituer après que ses exigences financières folles ont été étalées sur la place publique.

- Il faut dire que, non content d’être déjà l’un des dirigeants les plus grassement payés, notre homme s’était piqué de réclamer un super-bonus de 8 millions d’euros pour...le rachat des Autoroutes du Sud de la France, privatisées par le gouvernement.
Un pécule venant se rajouter à un patrimoine de...250 millions d’euros que s’est constitué ce manager, efficace, certes, mais simple manager tout de même, en une poignée d’années.

De quoi rajouter une saveur particulière à la définition que le grand économiste John Maynard Keynes a donné du capitalisme.

- « C’est la croyance stupéfiante selon laquelle les pires hommes vont faire les pires choses pour le plus grand bien de tout le monde ».

Article de : « Doan Bui », dans « Le Nouvel Oservateur », transmis par Linsay.



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