Les taxis sont en colère : ah bon !

lundi 29 janvier 2024
par  Charles Hoareau
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Comme les paysans, les taxis qui organisent des blocages et opérations escargot ce lundi, ont un problème principal : celui de la juste rémunération de leur travail. Entretien

S’il y a une profession mal connue c’est bien celle des chauffeurs de taxis. Dans l’imaginaire collectif, savamment entretenu par les gouvernements successifs, le chauffeur de taxi est un indépendant qui organise son travail comme il veut, qui gagne sa vie, confortablement assis dans un véhicule luxueux (preuve qu’il n’est pas à plaindre), voire qui s’enrichit sur le compte de tant de gens obligés de s’adresser à eux, bref des privilégiés quoi...
Heu... la réalité n’est pas exactement celle qu’on veut bien nous faire avaler et explique sans aucun doute la colère qui s’exprime ce lundi dans les rues de France.

Entretien
Rachid BOUDJEMA président de l’union nationale des taxis

Rachid bonjour et en quelques mots peux-tu nous dire les raisons de la colère ?

C’est tout simple. Comme le prévoit la législation, il doit y avoir tous les 5 ans, une renégociation de la convention qui lie la CNAM (Caisse nationale d’assurance maladie) aux taxis. Or cette année, unilatéralement, le directeur de la CNAM, M. Thomas Fatôme a décidé « seul » de baisser la rémunération, pourtant décidée par le ministère des finances, des courses que nous faisons pour le transport de malades. Sans consultation ni négociations...

Mais alors, quelle a été la réaction du gouvernement qui, faut-il le rappeler, l’a nommé ?

Le gouvernement joue les surpris alors que nous nous pensons que cet ancien du cabinet de BERTRAND conseiller de SARKOZY, puis du cabinet d’Edouard PHILIPPE, est en mission. Celle de libéraliser encore davantage notre profession en nous mettant en concurrence avec des transporteurs non réglementés. Au lieu d’aller dans le sens d’une réglementation qui fixe les cadres, les domaines d’intervention, les droits et les devoirs des professionnels du transport, ce gouvernement comme ceux qui l’ont précédé, vise à l’abolition de toute règle, si ce n’est celle du plus fort et du plus fortuné.

En fait contrairement à l’imaginaire collectif c’est une profession où la situation se dégrade non ?

Oui tout à fait. Depuis 10 ans en particulier, outre la concurrence citée plus haut, les conditions d’exercice du métier sont telles que nous connaissons une montée des problèmes de santé. Il faut comprendre qu’un chauffeur de taxi, s’il veut sortir un salaire qui lui permette de vivre (selon l’INSEE, le salaire net moyen d’un chauffeur de taxi était de 1200€ par mois en 2017) il doit faire 14h par jour avec toutes les conséquences que cela a sur sa santé et qui sont aujourd’hui connues : maladies du dos, atteintes nerveuses et le diabète qui est un fléau dû à la combinaison de la sédentarité et du stress. Et je ne parle là que des artisans. Pour les locataires gérants d’est encore pire...
Notre situation se dégrade aussi parce que la concurrence des VTC, (Véhicules de Transport avec Chauffeur) fait qu’ il y a moins de courses et de ce fait depuis 20 ans le prix de la course a augmenté. Evidemment les VTC et UBER n’ont pas les mêmes revendications et leur statut s’apparente à ce qui se passe pour les salariés des autres professions : auto-entrepreneurs, statuts hybrides....Quand tu penses que même la SNCF a créé sa propre boite de VTC...

On a déjà connu des mobilisations de taxis : l’état d’esprit d’aujourd’hui est comparable ?

Tout à fait ! Y a la même mobilisation que par le passé. On demande que la CNAM s’assoie à la table de négociations et c’est ce que nous allons dire au ministère de la santé que nous rencontrons ce lundi. S’il ne nous entend pas le mouvement sera encore plus fort. Le STM (syndicat des taxis marseillais dont Rachid est membre) est issu de la CGT et nous savons ce que nous devons aux luttes. Nous agissons dans l’unité avec la CGT des taxis parisiens et nous sommes dans un mouvement reconductible. C’est notre histoire et notre identité
Qui font que nous sommes solidaires des autres secteurs en lutte (salariés pour les retraites hier, paysans pour leur revenu aujourd’hui). Pourtant des solutions peuvent être mises en œuvre : la loi sur les remises de carburant votée dans les années 80 à l’initiative d’un député du PCF en est un exemple.

Il ne manque pas un plan d’ensemble des transports poussé par l’ensemble des hommes et femmes du secteur, marins, salariés de l’aviation, cheminots, chauffeurs de bus et de taxis qui vise à substituer à la concurrence et à la casse des statuts, un projet cohérent s’appuyant sur le droit au transport de la population et le droit au travail reconnu et rémunéré comme tel pour les travailleurs et travailleuses de ce secteur ?

Oui c’est un plan qui reste à bâtir...



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